Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/579

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
575
HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

l’Irlande serait rejetée. Dans ce cas, la couronne et les pairs peuvent aisément créer un ministère tory, mais il sera plus difficile de le faire vivre. D’autre part, il est possible qu’il se forme une coalition entre les modérés de chaque parti, fatigués du tiraillement éternel, des demandes déraisonnables et des vues discordantes de la portion radicale de la majorité. Il est vrai qu’une pareille coalition n’est guère probable en ce moment, tant qu’un point d’honneur politique fera des ennemis acharnés de ceux que leurs sentimens réels devraient cependant rapprocher. Mais si une pareille coalition venait jamais à se former, il est permis de douter que M. Peel en dût être le lien, le centre et l’expression. Personne ne doute qu’il ne soit au fond du cœur tory décidé, c’est-à-dire qu’il ne considère tout changement, petit ou grand, dans le système actuel des institutions, comme tout-à-fait inutile et plus ou moins dangereux. Quand il plaide pour une réforme, chacun sait que c’est seulement en vue d’intérêts secondaires, pour calmer l’agitation, pour gagner des amis, et qu’à l’exemple des matelots, il jette à la mer une partie de la cargaison pour sauver le reste. Un tel homme peut faire de brillans discours et obtenir des applaudissemens enthousiastes, mais il n’est guère capable de comprendre et de diriger la marche de l’avenir.

Depuis la fin de la dernière année politique, sir Robert Peel a pris un ton plus haut et plus hardi que son langage habituel. Il s’est évidemment débarrassé de toutes ses anciennes liaisons avec les réformistes modérés, dont il avait sollicité l’appui pour former le ministère de 1834, et il s’est arrêté à une tactique plus décidée, au principe plus clair d’une inflexible résistance. Tel a été du moins le ton du célèbre discours qu’il a prononcé en décembre dernier au dîner politique des tories écossais à Glascow. Je ne puis donner une meilleure idée du caractère de son éloquence qu’en citant une partie de ce discours, où il accuse les ministres et leurs partisans d’avoir approuvé un projet de réforme de la chambre des lords.

« Je vous avoue que j’ai l’intention de soutenir dans toute son intégrité l’autorité de la chambre des lords, comme un élément indispensable au maintien de la constitution britannique. Je suis résolu à juger toute proposition même plausible qui pourra être faite concernant les institutions établies, qu’elle soit ou non directement hostile à ces institutions, non pas d’après son mérite abstrait et isolé, mais par rapport à la tendance définitive qu’elle peut avoir à miner l’intégrité et l’indépendance de la chambre des lords. Adoptez-vous cette opinion dans toute son étendue ? Êtes-vous disposés à souscrire