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LES UNIVERSITÉS SUÉDOISES.

cation au travail, par la régularité de leur conduite. Nulle part je n’ai vu une réunion d’étudians aussi calme, aussi assidue au travail, aussi respectueuse devant ses maîtres. Ici il n’est plus question ni de duel, ni de Burschenschaft, ni de Kneipe. Ici le Renommist et la Jobsiade, ces deux épopées chevaleresques des écoles d’Allemagne, ne seraient plus comprises. Les étudians de Lund ont formé un club, et il est défendu d’y boire aucune liqueur spiritueuse. Ils ont des réunions particulières, et c’est pour se proposer des sujets de dissertation et les discuter entre eux. Chose curieuse ! ce qui est regardé, en Allemagne, comme une cause continuelle d’agitation, est ici encouragé comme un moyen de discipline. Ce qui est défendu là-bas par les ordonnances de la diète, est ici prescrit par les réglemens universitaires. Tous les étudians doivent ici appartenir à une association ; tous sont divisés par nation, c’est-à-dire par districts ou provinces, et il ne leur est pas permis d’être immatriculés à l’université, sans l’être en même temps dans les registres de la nation à laquelle ils appartiennent par leur naissance. Ces assemblées ont leurs réglemens particuliers, leurs jours de fête et leurs heures de travail ; presque toutes ont aussi une bibliothèque, des instrumens de musique, des journaux, et une salle d’étude avec une chaire où les étudians viennent une fois par semaine soutenir des thèses latines. Chaque nation se divise en trois ou quatre degrés : seniores, juniores, recentiores, et quelquefois novilii. On ne passe d’un degré à l’autre qu’après avoir subi un examen devant la classe supérieure. C’est parmi les seniores que le curateur est choisi, et dans les délibérations les anciens ont deux voix, les novices n’en ont qu’une. La nation se choisit, parmi les professeurs, un inspecteur ; c’est lui qui approuve les décisions qu’elle prend et qui signe ses actes : il est le représentant de cette nation auprès du consistoire académique et le représentant du consistoire auprès de la nation ; mais il n’agit sur elle que par ses conseils et un ascendant moral. S’il est aimé, il peut exercer une grande influence, sinon il n’a qu’une autorité illusoire. Au-dessous de l’inspecteur est placé le curateur, qui administre la caisse de la nation, convoque les assemblées, inscrit les nouveaux membres et rédige les protocoles. Un comité, choisi parmi les seniores, veille à l’exécution des mesures prises par l’assemblée. Dans cette république littéraire, tout se décide à la pluralité des voix, et les décisions sont respectées par le consistoire académique. L’étudiant qui se dispose à passer son examen, doit présenter un certificat de la nation à laquelle il a appartenu, constatant quelle a été sa conduite et la nature de ses études. La nation a, sur chacun de ses membres, un droit de surveillance et de juridiction. Si un étudiant a commis une faute, le curateur lui adresse une remontrance ; s’il récidive, il est appelé devant les seniores, puis devant l’assemblée entière, et, en définitive, devant le conseil académique. Il peut arriver aussi que l’étudiant soit banni de sa nation. Le jugement se prononce à la majorité des voix, et cette sentence d’expulsion, prononcée par des condisciples, est plus terrible que l’arrêt de relégation prononcé par l’université même.