Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/326

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
322
REVUE DES DEUX MONDES.

d’associations tendant toutes à la réforme de la constitution, quelques-unes même à une révolution. L’Écosse n’avait pas tardé à suivre leur exemple, et même, par sa coopération active, à se placer à leur tête.

Mais si la contagion des idées françaises avait gagné les novateurs écossais, ces idées, modifiées par le tour d’esprit national, avaient un caractère particulier et tout-à-fait local. Chez les premiers réformistes d’Édimbourg et de Glasgow, Thomas Muir, Palmer et autres, l’esprit religieux se combinait avec l’esprit littéraire, l’intelligence s’unissait à la religion. Il y avait loin de leur mysticisme éclairé, quelque audacieux qu’il fût, à l’esprit philosophique français ; et cependant, par une véritable anomalie, ou plutôt par un résultat de cette tendance à l’imitation à laquelle se laissent volontiers aller les peuples comme les individus, le vocabulaire des partis, les dénominations des révolutionnaires français, furent adoptés tout d’abord par les réformistes d’Écosse. Leurs sociétés patriotiques s’appelaient sociétés des amis du peuple, la réunion des délégués des diverses associations s’appelait convention, les comités des onze quartiers de la capitale du pays s’appelaient sections. S’ils n’adoptèrent pas en entier et aveuglément les principes des républicains français, leur phraséologie était la même.

En Écosse comme en France, c’étaient des hommes jeunes la plupart, des hommes ayant reçu une brillante éducation, des écrivains, des avocats, des ecclésiastiques, de riches industriels, qui se plaçaient à la tête du mouvement national. Les colonels Dalrymple de Fordel et Macleod, lord Daer, les avocats Forsyth, Morthland et Thomas Muir, Moffat le notaire, Bell le riche brasseur, etc., étaient les plus considérables entre ceux qui voulaient une réforme prompte et radicale. C’étaient les chefs du parti patriote. Quelques Anglais, comme l’éloquent Gerald, le ministre Palmer, Margarot, Yorke, Sinclair, vinrent plus tard grossir leurs rangs.

Le plus remarquable entre tous les réformistes d’Écosse, l’homme auquel s’attacha dès le principe le plus vif intérêt, celui qui était doué des qualités les plus aimables, les plus solides, et de la foi la plus vive dans sa cause, l’homme enfin qu’on peut regarder comme l’apôtre et le martyr de la réforme en Écosse, est Thomas Muir.

Thomas Muir était né à Glasgow, en 1765, de parens riches et honorables, dont il était le fils unique. Sa famille avait entouré son enfance des soins les plus tendres. Sa santé était délicate ; mais comme son père voulait qu’il fût un homme, il l’avait envoyé à l’université de Glasgow. Le jeune Muir s’y était distingué par l’aptitude la plus