Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
REVUE DES DEUX MONDES.

affreux, elle au moins n’est pas malade et n’abdique pas la direction de ses destinées.

Mais dans la sphère politique proprement dite, ces catastrophes exercent toujours une influence funeste : elles peuvent prolonger l’existence d’une administration impopulaire. Beaucoup d’hommes qui veulent sincèrement le bien du pays, s’effraient à l’idée d’attaquer un ministère dont ils condamnent la politique ; ils lui prêtent un appui qu’ils regrettent, et que dans d’autres circonstances ils lui auraient retiré avec éclat. Ce nouvel attentat prolonge l’existence du ministère, voilà ce qui s’est dit de toutes parts. Que dire d’un cabinet qui a besoin, pour durer, de la stupeur qu’inspire un crime imprévu ?

Ces appréhensions qui sont aujourd’hui la plus grande force du ministère, ne sauraient durer bien long-temps ; toutefois dans les premiers momens elles sont inévitables, et les hommes les plus fermes ne peuvent se défendre de les partager quelque peu. Mais si quelque chose, indépendamment des autres motifs, doit relever et exciter le courage de l’opposition constitutionnelle, c’est l’imperturbable fatuité d’une coterie qui, sur les débris des espérances publiques, se proclame seule nécessaire et seule capable de sauver l’état. Avant l’attentat du 27 décembre, elle dénonçait le péril extrême que courrait la France si l’administration passait dans d’autres mains que celles de M. Guizot et de ses amis ; après l’attentat, elle veut tirer de ce crime une nouvelle force, et porte le défi qu’on lui retire le pouvoir, sous peine de mort pour la société. Quelques hommes ont décrété qu’eux seuls étaient doués de patriotisme et de talent, qu’en eux seuls s’étaient réfugiées la capacité et la vertu politique. Ces nouveaux importans redoublent tous les jours de morgue et d’intolérance ; quelque temps ils avaient consenti à marcher avec des hommes dont ils jalousaient les talens et l’influence ; aujourd’hui ils les déclarent suspects et ennemis. Des gens qui se disent les vrais soutiens de la révolution et de la monarchie de 1830, comptent aujourd’hui parmi leurs adversaires politiques, MM. Thiers et Montalivet, M. Passy et M. Dupin. Ils ne subissent que par nécessité la présidence de ce dernier, et les plus intraitables, au nombre de trente-six, ont porté leurs voix sur M. Humann, pour témoigner, autant qu’ils pouvaient, leur mauvais vouloir envers M. Dupin. Ni l’intelligente modération de M. Passy, ni les longs services de M. Thiers, ne sauraient trouver grâce devant nos importans, qui seuls ont l’entente de la situation et la science gouvernementale.

Nous ne connaissons pas de plus grands révolutionnaires que ces hommes, qui se refusent à toute conciliation, à tout développement. Nous avons vu tel moment où les esprits tendaient à se rapprocher, où quel-