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nationale a toujours été la langue officielle ; on a constamment obéi à des lois et à des institutions particulières ; et ces provinces ont toujours servi d’asile aux malheureux chrétiens que le joug ottoman écrasait.

Aujourd’hui elles sont presque entièrement affranchies, mais les effets d’un fléau si terrible subsisteront long-temps encore ; les traces en sont douloureuses, les blessures qu’il a laissées sont profondes ; c’est une maladie invétérée et enracinée qui dévore lentement et à jamais la substance vitale. Une longue soumission a énervé l’esprit public. Toujours luttant contre une tyrannie envahissante, absorbé par l’ardent désir de combattre l’oppression, ce peuple n’a recherché, n’a espéré aucune amélioration sociale. Les sources de la prospérité publique taries, les ressorts de la pensée comprimés par la tyrannie et la misère, ont achevé l’anéantissement de la nation ; point de perfectionnement, à peine un reflet des lumières et de la civilisation d’Europe.

La Valachie et la Moldavie peuvent-elles espérer un réveil et une résurrection ? Nous n’en doutons pas. Le sol est riche ; la nation est intelligente, avide d’instruction. Ces élémens, ces germes de vitalité, sont d’autant plus énergiques et puissans, qu’il s’agit d’un pays dont le terrain est aplani ; libre à l’architecte d’y construire son édifice. Ce peuple était encore dans l’enfance de sa formation, lorsqu’un torrent de glace l’a saisi et pétrifié. Alors la religion chrétienne était loin d’avoir pénétré dans les entrailles mêmes de la société ; nulle institution fondamentale, profondément enracinée ; pas de croyances vivaces, pas de préjugés puissans ; rien de solide ; partout des ébauches ; institutions, mœurs, lois, religion, langue, tout appartenait à une société naissante ; tout était en germe ; l’action du mahométisme est venue flétrir ce germe. Aujourd’hui la couche de glace disparaît ; les plaies et les souffrances restent. Tout est à faire et à organiser ; mais l’organisation est facile. Voici un sol déblayé, une grande souplesse de caractère national. Qu’une main ferme et habile veuille se charger de l’édifice ; il va s’élever par enchantement et étonner l’Europe.

La nouvelle constitution a déjà beaucoup fait. Bien qu’elle renferme des dispositions surannées, des concessions nécessaires aux préjugés et aux priviléges de l’aristocratie, elle n’en constitue pas moins un immense progrès, que dis-je ? une grande révolution, pa-