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LA VALACHIE ET LA MOLDAVIE.

le monde, et de vouloir clouer les évènemens au passé ! Il faut ou les dominer ou les devancer ; autrement ils passent sur vous et vous écrasent.

L’Autriche a crié aux malheureux Grecs qui avaient eu l’audace de s’insurger contre leur maître légitime, qu’ils étaient des traîtres et des infâmes. L’Autriche a fourni des armes et des munitions contre eux ; elle les a persécutés d’une manière ignoble dans ses états et les a chargés d’anathèmes lorsque le nom seul de la Grèce électrisait l’Europe. Le prince de Metternich peut montrer avec fierté son gouvernement comme le modèle des gouvernemens paternels. Mais cette même sollicitude pour le bien-être de ses gouvernés lui a fait croire que lorsque l’Autrichien a dîné à midi et savouré le soir, dans une béatitude parfaite, sa bière écumante au délicieux Prater, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. L’Autriche devrait comprendre autrement ses devoirs envers elle-même, envers l’Europe. L’idée fatale de M. de Metternich est le statu quo ; il fera tout, il sacrifiera tout pour le triomphe de son idée chérie. Les évènemens n’ont pu lui apprendre le peu de valeur d’une idée qui porte à faux. Son système a-t-il empêché la révolution de 1830, l’émancipation de la Belgique, le traité de la quadruple alliance ? A-t-il mis obstacle à l’insurrection de la Grèce, à la conquête de son indépendance, au traité d’Andrinople, à l’apparition des troupes russes sur le Bosphore, au traité d’Unkiar-Skelessi ? Vit-on jamais utopie plus bizarre que celle du cabinet de Vienne ? Sacrifier le monde au principe de l’inaction ! Tous les actes du cabinet autrichien portent cette empreinte ; c’est lui qui a transformé en théorie anti-sociale et impolitique une pensée sage et bienveillante du généreux Alexandre. Alexandre s’en est moqué le premier, lorsqu’il a envoyé Ypsilanti en Moldavie. L’Angleterre et la France ont fourni des secours aux Grecs insurgés, et plus tard, par le traité de Londres, elles ont mis fin à cette lutte sanglante.

L’Autriche, fidèle à son système de quiétude, a oublié que près d’elle se trouvent deux provinces qui font vivre toutes les manufactures de la Transylvanie, et qui ont sauvé mille fois cette contrée de la disette. Loin de penser au sort des Moldovalaques, loin de tenter le moindre effort pour le rendre plus supportable, elle éteint toute sympathie entre eux et les habitans des principautés.