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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/235

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LE MYSORE.

autour du foyer d’un mouvement spontané et sauvage. Ils formèrent bientôt deux rangs en s’accroupissant tous comme des singes ; les plus rapprochés ramenaient leurs bras au-dessus des flammes avec une insensibilité qui m’étonnait : ceux du second rang se serraient derrière leurs camarades sans trouver place. Une expression de stupidité, que je ne saurais rendre, se lisait sur tous ces visages. J’essayai en vain de faire comprendre aux plus mal partagés qu’en se dérangeant pour ramasser quelques branches, et en suivant mon exemple, ils se seraient bientôt fait d’autres feux dont ils profiteraient à leur aise. Ils me regardèrent sans m’entendre, et restèrent à se morfondre dans leur mauvaise position sans avoir la force de s’en créer une meilleure.

Il faut avouer toutefois que le misérable costume de ces pauvres gens doit encore contribuer à augmenter l’abrutissement où le froid et l’humidité les plongent ainsi en peu d’instans. Ils n’ont pour se couvrir qu’un grand peignoir de toile blanche qui leur tombe jusqu’aux talons ; quand ils veulent reposer, ils le déroulent, et dorment à terre enveloppés dans ce manteau léger. Pour marcher, au contraire, ils relèvent les extrémités de cette grande robe ; et en la serrant autour des cuisses avec beaucoup d’art, ils s’en font une culotte courte. Deux longues bandes étroites de mousseline grossière et communément bleue ou rouge, qui servent, l’une de ceinture, et l’autre de turban, complètent leur accoutrement. On conçoit que la moindre pluie les pénètre jusqu’aux os. La fraîcheur des nuits leur est également très funeste. Ils avaient l’habitude de dormir étendus par terre autour du palanquin dans lequel j’étais réfugié, souvent sous le simple couvert d’un arbre. Le matin, lorsque je voulais partir avant le jour, j’étais obligé de les secouer violemment les uns après les autres pour les réveiller. Je perdais régulièrement, avant de me mettre en marche, une grande demi-heure dans cette opération préliminaire.

Si en toute occasion ils manquent de vigueur, ils montrent du moins assez habituellement un caractère souple, de l’esprit naturel et de la gaieté. Un beau soleil réchauffe leur imagination : pendant la grande halte de midi surtout, on les voit jouer et plaisanter entre eux, au lieu de se reposer ; il y a aussi à chaque halte une mare où ils vont faire leurs ablutions ; ils se dépouillent de leurs vêtemens légers, les lavent dans l’étang et les suspendent de tous côtés. Leur joie est alors bruyante ; ils s’amusent comme des enfans. Souvent dans la troupe se rencontre un bel esprit qui fait taire les autres, raconte et tient en suspens l’attention de l’auditoire ; car ils aiment passionnément les légendes. En d’autres instans, pendant la marche, ce sont de vives querelles, une loquacité effroyable, à faire craindre qu’ils ne s’égorgent entre eux ; puis tout se