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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/731

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MÉMOIRES DE LAFAYETTE.

de M. de Bouillé et de la maison d’Autriche, et dont le premier effet, prévu par les fugitifs, devait être le massacre du maire et du commandant-général, de celui-ci surtout qui eut besoin de toute sa fermeté pour redevenir, en un instant, plus puissant que jamais dans la capitale. Une semblable inculpation, faite à la fois par les royalistes et par les jacobins, se détruisait par la contradiction même des motifs qu’on supposait à Lafayette : c’était, suivant ceux-ci, pour donner au roi le moyen de combattre, sous la protection de M. de Bouillé, les principes que Lafayette avait toute sa vie professés et défendus ; c’était, suivant les royalistes, pour achever de perdre le roi en le faisant arrêter à temps, et cependant il est démontré que si le roi avait mis dans son voyage la moindre célérité et la moindre conduite, s’il n’avait pas été reconnu par un maître de poste, si M. de Choiseul n’avait pas donné contre-ordre aux détachemens, si M. de Bouillé avait eu quelque prévoyance, l’arrestation n’aurait pas eu lieu. On s’est plu long-temps à répandre ces étranges suppositions, jusqu’à ce que la connaissance plus intime des faits, la déposition des mourans, le témoignage de divers adversaires, et nommément de M. de Bouillé, aient ajouté toutes les preuves morales et matérielles à la conviction qu’auraient dû produire, avec la moindre réflexion, la situation où était alors Lafayette et son caractère personnel. Ce départ pour Varennes enleva pour toujours au roi la confiance et la bienveillance des citoyens. On s’en aperçut, dès l’instant de son retour, par les précautions relatives à sa captivité, l’inquiétude des citoyens, des troupes, des comités eux-mêmes de l’assemblée. Cette méfiance se propagea jusqu’à l’époque du 10 août. La fausse démarche de Louis XVI lui fut d’autant plus universellement reprochée, que, n’ayant mis personne dans son secret, personne ne se sentait intéressé à le défendre. Le côté droit de l’assemblée lui-même, doublement blessé de n’avoir pas été averti et d’avoir été laissé exposé à des dangers, se plaignit ouvertement.

Pour peu qu’on ait pensé à tout ce qui précède, on ne s’étonnera pas que la journée du 21 juin ait fait naître dans les uns, renaître dans quelques autres les idées purement républicaines. Lafayette devait naturellement se trouver parmi ces derniers. Le pacte de la nation avec le roi avait été violé par lui-même ; il avait emmené toute sa famille. Les Orléans seuls