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RŒDERER.

quelquefois celle du récit, le plus souvent celle de la dissertation. Dans deux pièces politiques fort spirituelles, sur la recherche du pouvoir sous Charles VI et sur l’enfance de Louis XII, intitulées le Marguillier de Saint-Eustache et le Fouet de nos pères, il s’égaya des travers des hommes au milieu des intrigues de parti et des précautions de cour, et montra les côtés comiques de l’histoire. Dans son drame sur la Saint-Barthélemy, il la présenta sous son aspect tragique, tâchant de rendre les passions, de pénétrer les intérêts, de surprendre les combinaisons qui avaient conduit à cette grande catastrophe. Dans ses importantes et longues considérations sur les règnes de Louis XII et de François Ier, et dans son récit animé des guerres protestantes, il se proposa de faire connaître l’organisation du royaume sous ces deux princes, leur administration, leurs desseins, leur caractère, et il eut peut-être trop l’ambition de donner d’autres causes aux évènemens, d’autres motifs aux partis, et une autre réputation aux acteurs.

M. Rœderer sortait d’une école intellectuelle qui avait de grandes et fortes qualités, mais qui était plus dogmatique qu’historique. Elle tenait trop à ses idées pour entrer dans celles d’autrui. Elle aimait, méprisait, rejetait, approuvait beaucoup plus qu’elle ne comprenait. Aux préventions de son temps M. Rœderer joignait l’amour de la controverse et un certain tour belliqueux dans l’esprit. Au barreau, il avait pris l’habitude d’avoir une cause, pendant la révolution, d’avoir un parti ; dans les matières politiques et économiques, d’avoir un système ; il éprouva le même besoin en histoire. Il lui fallut des cliens et des adversaires ; c’est ce qui se remarque dans son histoire de Louis XII et de François Ier, qui est trop le panégyrique de l’un et l’acte d’accusation de l’autre. Louis XII avait été un prince modéré ; M. Rœderer en fait un prince parfait et va jusqu’à lui accorder l’établissement du système constitutionnel dans toute l’étendue de ses droits et avec la diversité de ses pouvoirs. François Ier avait été un prince déréglé, dissipateur, qui avait rendu son autorité plus pesante parce que sa mission royale avait été plus difficile ; M. Rœderer en fait un vrai tyran et lui conteste jusqu’à ses goûts chevaleresques, son amour des arts, sa protection pour les lettres, et une sorte de grandeur acquise pendant trente ans de lutte contre Charles-Quint. Quant aux guerres protestantes, M. Rœderer voyant des motifs d’intérêt se mêler chez la noblesse à des sentimens religieux, ne les croit entreprises que dans un but aristocratique, et il les transforme en pures guerres d’ambition. Ce qu’il y a de vrai dans cette opinion de-