Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/435

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
431
DE LA CHEVALERIE.

âge ; les grands seigneurs féodaux donnaient à leurs chevaliers leur devise, leur livrée, c’est-à-dire leurs couleurs. Il en résultait une confraternité qui était dans les mœurs féodales ; entre autres exemples, on cite celui de Louis II, duc de Bourbon, qui assembla ses nobles à Moulins, en 1364, et leur donna pour devise le mot espérance ; c’était en petit, ce qui fut fait en grand plus tard pour les ordres plus célèbres, comme ceux de la Jarretière et de la Toison-d’Or. Dès 1330, Alphonse, roi de Castille, avait fondé l’odre de l’Écharpe ; le plus ancien, en France, est celui de l’Étoile, créé par Jean, en 1351 ; les considérans de l’édit sont curieux : « Les chevaliers, ô douleur ! négligeant la beauté de l’honneur et de la gloire, se rabaissent au soin de leur utilité privée. » En effet, au xive siècle, l’enthousiasme s’éteignait, et l’intérêt personnel remplaçait le dévouement chevaleresque. À la fin de ce siècle, on avait si complètement perdu les traditions de la chevalerie, que, lorsque Charles VI la conféra au jeune roi de Sicile et à son frère, ceux-ci, observant l’ancien cérémonial et s’étant vêtus simplement, pour marquer qu’ils passaient de l’état d’écuyer à l’état de chevalier, parurent très extraordinaires ; on ne savait plus ce qu’était la vieille chevalerie, quand se fondait le plus ancien de ces ordres frivoles de la chevalerie de cour. Quelquefois, en même temps que ces ordres nouveaux étaient une pompe, une décoration, ils étaient un moyen politique. Ainsi, la Toison-d’Or, qui fut surtout pour la cour de Bourgogne une occasion de déployer sa magnificence, contient dans ses règlemens certains articles qui permettent de voir encore autre chose dans la pensée du fondateur. L’un des statuts prescrit à tous les chevaliers de faire connaître au duc de Bourgogne, qui est le chef né de l’ordre, tout ce qui pourrait concerner la sûreté de sa personne et la sûreté de l’état ; c’était donc, sous de magnifiques semblans, un moyen de politique et de police. La même injonction a été reproduite dans les ordres français. Louis XI, en France, créa son ordre de Saint-Michel par un sentiment de rivalité à l’égard du duc de Bourgogne, qui avait créé celui de la Toison-d’Or ; l’ordre de Saint-Michel fut réuni plus tard à l’ordre du Saint-Esprit, fondé par Henri III, et tous deux portèrent le nom d’ordres du roi, nom significatif et convenable à cette chevalerie toute monarchique.

Enfin, les ordres chevaleresques prirent une dernière forme ; s’éloignant toujours de plus en plus de leur origine, ils devinrent de simples récompenses militaires, et n’eurent plus rien des anciens ordres que le nom. Tel fut l’ordre de Saint-Louis ; il périt avec les autres, au com-