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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/453

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DE LA CHEVALERIE.

partient donc nécessairement à l’époque musulmane ; c’est la chevalerie musulmane qu’il faut opposer et comparer à la chevalerie chrétienne ; ce sont les rapports de ces deux chevaleries, leurs rencontres, leur influence réciproque, qu’il faut suivre et déterminer.

Il y a entre la chevalerie musulmane et la chevalerie chrétienne une différence fondamentale, et qui, à elle seule, suffirait pour empêcher de croire que la seconde ait pu naître de la première : c’est que la chevalerie musulmane se compose uniquement de mœurs et de sentimens, et ne s’est jamais réalisée en institution, indépendamment de la chevalerie occidentale. Il n’y a pas eu là, comme en Occident, un ordre, une classe à part, donnant à ce fait vague de la chevalerie réduite aux mœurs et aux sentimens, une réalité sociale.

La seule institution qui, chez les populations musulmanes établies en Espagne, ressemblait à un ordre de chevalerie, c’étaient les Rabits chargés de défendre les frontières contre les Castillans. Ces Rabits étaient réunis en corps, et soumis à une règle austère ; leur existence était, jusqu’à un certain point, analogue à celle des templiers, et comme ils sont antérieurs à ceux-ci d’une centaine d’années, on pourrait être tenté de voir là l’origine des ordres religieux et militaires, d’autant plus que parmi les premiers établissemens des templiers, les plus célèbres étaient situés vers les Pyrénées ; il peut donc sembler naturel de faire venir les templiers chrétiens des Rabits musulmans ; cependant lorsqu’on se reporte aux origines de l’ordre du Temple, on trouve qu’il est né, non pas en Espagne, mais à Jérusalem. Quand les neuf gentilshommes français qui le fondèrent dans cette ville et firent vœu de protéger les pélerins qui allaient visiter le saint sépulcre, obtinrent de Baudoin II la première maison de leur ordre, située auprès du temple, ils obéissaient à une inspiration de charité et d’enthousiasme chrétien, et ne songeaient nullement à imiter les Rabits musulmans d’Espagne, qu’ils ne connaissaient probablement pas, et qu’ils étaient loin de prendre pour modèle.

Ainsi la chevalerie musulmane, dans ce qu’elle a de plus semblable aux institutions de la chevalerie d’Occident, n’a pu lui fournir son point de départ, pas plus qu’on ne saurait dire que les croisades aient été entreprises à l’imitation de la guerre sainte des musulmans. Bien des fois la guerre sainte a été proclamée chez les Arabes d’Espagne, et plus d’une croisade musulmane dirigée contre les chrétiens avant la première croisade chrétienne, mais ce n’est pas à des sources musulmanes que les chrétiens ont puisé leur chevalerie ou leurs croisades.