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soutenir le gouvernement du roi. Ceux-là n’ont outragé personne, et le roi moins que personne ; mais ils ont apprécié avec courage et indépendance, et depuis long-temps, la conduite du parti doctrinaire. Ils sont prêts à le faire encore, quoi qu’il puisse arriver, et M. Jaubert, ainsi que ses amis, doivent s’attendre à trouver en eux de loyaux adversaires le jour où la France aura le malheur de retomber en leurs mains. Au reste, M. Jaubert, qui compromet son parti à chaque mot de son discours, frappe cette fois sur M. Thiers, qu’il voudrait faire passer pour son allié, car c’est sous le ministère de M. Thiers que se sont ralliés les écrivains dont nous parlons ; ils se font un devoir de le rappeler, et s’il y a crime à les avoir accueillis, c’est à M. Thiers que doit en revenir la responsabilité.

Finissons-en de M. Jaubert. Son dernier discours est un triste exemple du danger qu’il y a pour un homme d’esprit à faire divorce avec le bon sens et la modération. En ce sens-là, M. Jaubert a bien véritablement rompu, et sans retour, son mariage de raison. Quant à la séparation de M. Jaubert et du ministère, ce n’est qu’un acte dérisoire ; M. Jaubert n’a jamais cessé d’être l’ennemi actif de ce cabinet, et la boule blanche qu’il lui accorde dans le vote des fonds secrets prouve seulement, un peu plus encore que son discours, que ses idées politiques sont dans un état de confusion réelle. C’est ainsi que M. Jaubert, dont quelque vivacité d’esprit, un organe agréable et une certaine facilité de manières pouvaient faire un des bons orateurs de seconde classe de la chambre, s’est perdu par cette ambition des premiers rangs, par cette soif d’orgueil qui frappe à la porte de tous les cœurs, comme dit si bien M. Guizot dans son homélie catholique. M. Jaubert a commencé par être mordant, spirituel, et on l’a applaudi ; bientôt, pour avoir plus d’applaudissemens, il s’est fait emporté, déclamateur et violent. À présent son histoire est finie, et peut s’écrire en deux paroles : il a d’abord fait rire des autres, maintenant il fait rire de lui.

Nous ne savons ce qu’on pensera de la séance d’hier, où M. Gisquet, ancien préfet de police, s’est servi, à la tribune, des renseignemens qu’il avait recueillis dans l’exercice de ses fonctions, pour désigner comme excessif le chiffre des fonds de police, qu’il trouvait trop minime quand il était en place. Nous ne savons si la chambre a approuvé les excellentes paroles de M. de Montalivet, qui a accusé M. Gisquet d’avoir manqué à la réserve imposée aux anciens fonctionnaires. Toujours est-il que M. Guizot a dû se rappeler, dans cette séance, la lutte qu’il eut autrefois avec M. Odilon Barrot, alors préfet de la Seine. Comme ministre de l’intérieur, M. Guizot imposait une réserve semblable à son subordonné, et lui traçait encore plus rigoureusement la ligne de ses devoirs, quoique le poste de préfet de la Seine ne commande pas une réserve aussi minutieuse que la place de préfet de police. On avait annoncé un discours de M. Guizot dans cette discussion. Il n’eût plus manqué à la confusion des idées et des principes de la nouvelle opposition, que de voir M. Guizot répondre au discours de M. Montalivet. Rien d’impossible, du reste, quand les passions se font jour. M. Thiers, à qui les doctrinaires ont donné leur voix comme président de la commission des travaux publics, n’avait-il pas été attaqué, après le 22 février, avec une violence rare, par M. Duvergier de Hauranne et par M. Jaubert, au sujet des travaux publics et du crédit de 100 millions ? N’est-ce pas M. Guizot, ministre de l’instruction publique, qui a octroyé 200,000 francs au gérant d’un journal politique, pour