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ŒUVRES D'HISTOIRE NATURELLE DE GOËTHE.

la nature que la race humaine fût un jour remplacée par une race plus perfectionnée, ces nouveaux êtres n’arriveraient à la lumière qu’à travers notre organisation, qu’en portant la trace du degré que nous occupons, et qu’en développant notre être.

Les artistes (eux aussi doivent être écoutés dans une question où les formes jouent un si grand rôle) ont essayé de donner à la figure humaine un plus haut caractère que celui qu’elle tient de la nature. On sait que les Grecs avaient ainsi idéalisé la tête de leur Jupiter. L’intuition de ces artistes est allée jusqu’au vrai des choses, et, si on l’admire quand on a sous les yeux le marbre où ils l’ont retracée, on l’admire encore quand on pénètre dans sa profondeur la raison anatomique qui y est cachée. Il y a de la raison dans ce marbre, comme Empédocle en trouvait dans un os. On sait encore que les génies et les anges ont été représentés avec des ailes attachées aux épaules. Des anatomistes ont prétendu que cette conception des artistes était conforme à la loi anatomique qui veut que de tels appendices se développent du côté du dos, qui est dans les animaux le côté tourné vers la lumière.

Ces essais de développement d’une forme organique, tentés par les artistes, le docteur Koerte a cherché à en faire l’application historique, dans la comparaison des animaux fossiles et des animaux actuels de la même espèce. On trouva en 1819 et en 1820, à Stuttgardt, divers os fossiles, entre autres des ossemens d’un taureau fossile beaucoup plus grand que le taureau qui est aujourd’hui notre contemporain. Le col de l’omoplate d’un taureau fossile avait cent deux lignes de hauteur, tandis que celui d’un taureau de la Suisse n’en comptait que quatre-vingt-neuf. Le docteur Koerte a comparé la tête du premier avec celle du second ; cette comparaison, où l’auteur se lance dans un champ illimité, a paru à Goëthe digne d’être citée, et je la reproduis ici :

« Ces deux têtes sont pour moi comme deux chroniques ; le crâne du taureau fossile est un témoignage de ce que la nature a voulu de toute éternité ; celui du taureau vivant, un exemple du point de perfection où elle a amené cette forme animale. Je remarque la masse énorme du crâne fossile, ses grosses proéminences, son front aplati, ses orbites dirigées en dehors, ses cavités auditives plates et étroites, les sillons profonds que des cordes tendineuses ont creusés sur son front. Que l’on compare à cet ensemble les cavités orbitaires du crâne nouveau, elles sont plus grandes et dirigées plus en avant. Le front et l’os du nez sont plus bombés, les cavités auditives plus larges et