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REVUE. — CHRONIQUE.

électorale, de suppression de l’amortissement, et autres, il ne se serait pas si courageusement et si péniblement séparé de son parti, qui n’admet pas qu’on puisse rester libéral et devenir ministre. Il en est ainsi de presque tous les hommes de quelque valeur qui figurent dans la coalition. Nous ne leur faisons pas l’injure de croire qu’ils sont venus de si loin les uns aux autres, pour se donner le plaisir de renverser un ministère qui fait bien, ils le savent, les affaires du pays, qui gouverne avec une loyauté qu’ils reconnaissent eux-mêmes, et qui a été heureux jusqu’à ce jour, ils en conviennent, sans avouer, il est vrai, qu’il a été habile ; comme si, dans les grandes affaires, on pouvait être heureux quand on est inhabile !

Non, ce n’est pas même pour être ministres que les chefs de l’opposition se sont coalisés, c’est pour appliquer leurs vues. Loin de leur répugner, la pratique de leurs discours est leur seul but, leur seul mobile. En cela, nous nous empressons de prendre la défense de la coalition contre M. Guizot. Quelles vues l’auraient donc fait naître, si ce n’étaient les idées politiques ? En vérité, ce serait un grand scandale pour le pays et pour l’Europe, que cette immolation des idées, et une véritable nuit des dupes pour ceux qui auraient brûlé leurs titres à la considération publique sur l’autel de l’ambition mesquine et du dévouement sordide à de minces et honteux intérêts !

Grâce au génie tutélaire de la France, il n’en est rien, et nous verrons, dans chaque discussion qui s’élèvera, les principes dominer les hommes. M. Guizot lui-même nous fournit un exemple de ce genre, au moment où il écrit.

En énumérant tous les torts du cabinet du 15 avril, M. Guizot s’attache surtout à l’amnistie. M. Guizot n’a pas varié là-dessus, et il apporterait dans toutes les coalitions ses répugnances pour la politique de conciliation, ainsi que pour tous les systèmes dont l’âpreté et l’intimidation ne seraient pas la base. M. Guizot parle prophétiquement de l’amnistie, comme de la source d’où doivent sortir tous les maux pour fondre sur la France. Mais l’amnistie n’était-elle pas demandée par toute la gauche modérée, dont plusieurs membres figurent aujourd’hui dans la coalition ? En marchant jusqu’à M. Barrot, M. Guizot ne se trouve-t-il pas en contact amical avec certaines vues politiques qui touchent de bien près à celles de quelques hommes que l’amnistie a couverts d’indulgence ? M. Guizot n’est pas moins intraitable dans cette question. Tout en ne niant pas les effets de l’amnistie, ce qui serait impossible, il en condamne sévèrement le principe. C’est montrer peu de complaisance pour ses nouveaux amis, et ce n’est pas donner l’exemple de cette insouciance sur les choses qu’il admet comme le caractère de l’époque présente. M. Guizot répond ainsi à lui-même. Sa passion et sa rigueur, en ce qui touche à ses principes politiques, réfutent ce qu’il dit du calme et de l’insouciance des autres en ce qui concerne les leurs. C’est ainsi que va le monde. On fait bon marché des opinions et des sympathies de son voisin et l’on obéit aux siennes ; on a de la patience pour les autres, mais on en manque, pour soi ; et autant