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du jour. Nous sommes ainsi faits, nous changeons beaucoup et nous vivons vite.

Cette métamorphose de l’esprit public n’a pas échappé aux partis, et ils ont dû s’y conformer, même à contre-cœur. Nous avons vu les hommes les plus engagés dans les opinions extrêmes laisser dans l’ombre les parties ardentes de leur rôle politique, pour se montrer exclusivement positifs et spéciaux : ils n’ont pas reculé devant l’examen des détails les plus minutieux. Les affaires, faisons des affaires, tel a été le cri général : on a voulu emporter d’assaut les difficultés les plus techniques, et par la profondeur de ses études, se montrer digne d’un portefeuille.

Maintenant, jusqu’à quel point la chambre doit-elle pénétrer dans les affaires et prendre part à l’administration ? Voilà une importante question de gouvernement constitutionnel, qui, seulement aujourd’hui, se pose distinctement.

Comme le roi, dépositaire par excellence du pouvoir exécutif, devient inévitablement législateur quand il rend des ordonnances pour l’exécution des lois et la sûreté de l’état, de même les deux chambres, spécialement investies du pouvoir législatif, touchent à l’administration même par la discussion et la rédaction des lois. Cette pénétration réciproque des trois pouvoirs, ces concessions mutuelles forment le nœud du gouvernement représentatif.

Pour la première fois, la chambre des députés, échappant aux orages politiques, s’applique exclusivement aux affaires. Mettez à côté de ce fait important la coalition des partis qui se décomposent, et vous aurez les deux élémens de la situation actuelle. Jamais chambre n’a été animée, envers la couronne, d’intentions plus droites et plus sincères, mais elle cherche la mesure et la limite de son pouvoir dans la gestion des affaires ; elle ne songe à rien usurper, mais elle veut ne rien perdre de ce qui doit lui appartenir. De leur côté, les partis, convaincus qu’il ne leur est plus possible de faire vibrer aujourd’hui la fibre amollie des vieilles passions, ont transporté la guerre et la lutte dans le détail des intérêts, et ils provoquent la chambre à commettre des fautes, pour se consoler de leur déchéance politique.

Oui, la chambre, dans sa majorité numérique, est loyale ; ses intentions sont pures ; elle a commencé sa session avec le ferme désir de s’associer avec franchise à l’action du gouvernement, mais peu à peu elle a subi le joug de passions habiles et implacables qui l’exploitent et la mènent. Alors il s’est trouvé que l’assemblée qui devait surtout s’occuper d’affaires, les a empêchées toutes, et que partout où elle devait donner l’impulsion, elle a mis un obstacle.