Ce traité est du 30 mai 1837 ; le 13 octobre suivant, nos troupes entraient à Constantine par la brèche, et tout était changé dans la quatrième province de la Régence, comme tout avait été réglé et plutôt confirmé que changé dans les trois autres, par le traité de la Tafna.
En effet, le lendemain de la prise de Constantine, Achmet fuyait vers le sud, accompagné d’un millier de cavaliers, dont la plupart l’avaient abandonné huit jours après. Le parti turc, qui nous avait disputé la province, et qui semblait de là vouloir nous disputer la Régence, était anéanti. La prise d’une ville si forte, si bravement défendue, si éloignée de la côte, frappait d’étonnement, d’admiration et de respect, toutes les populations de la province. Les vains bruits que la France devait, un jour ou l’autre, abandonner l’Algérie, étaient dissipés ; on sentait que non-seulement nous ne voulions pas l’abandonner, mais que nous voulions en être les maîtres. On n’admettait pas que nous eussions fait un si grand effort et frappé un si grand coup sans être parfaitement résolus à garder Constantine après l’avoir prise ; cette idée n’entrait pas plus dans l’esprit des indigènes qu’elle n’est entrée dans les suppositions de la France. Aussi les tribus arrangeaient leur conduite en conséquence. Quinze jours après, trente et une avaient fait leur soumission. Toutes celles qui habitent entre Oran et Constantine, et qui avaient vidé les lieux en signe d’hostilité devant la marche de notre armée, rentraient dans leur territoire, et accueillaient notre retour à Bone par la présence de leurs troupeaux et la fumée de leurs douars. Des chefs du désert, ennemis d’Achmet, et qui étaient accourus pour exercer leur vengeance à l’ombre de notre attaque, venaient solliciter notre alliance et nous offrir d’achever contre lui l’œuvre d’extermination. Les habitans rentraient, les Arabes affluaient sur les marchés ; ceux-là payaient l’impôt, ceux-ci consentaient au tribut. Tout témoignait dans la province que la détermination de la France y était prise au sérieux, et que devant cette détermination rien ne se sentait en mesure de résister.
Le traité de la Tafna produisait des effets tout contraires dans l’ouest. Loin d’avancer, il reculait, dans l’opinion, les affaires de la France. D’une part, il achevait l’œuvre commencée par Abd-el-Kader et lui donnait une consistance qu’elle n’aurait jamais prise sans cet acte ; d’autre part, elle établissait deux maîtres dans les trois provinces, l’un tout petit, acculé sur deux ou trois points du rivage ; l’autre grand, et promenant librement son pouvoir sur le surplus d’un immense territoire. Sans doute c’étaient là des apparences plutôt que la réalité, mais l’effet moral n’en était pas moins grand