famille, plusieurs détails pleins d’intérêt ; et quelques-uns de ceux qui aiment et admirent le talent de Léopold Robert, regretteront sans doute que M. Delécluze n’ait pas détaché de cette correspondance des fragmens plus nombreux. Quant à nous, il nous semble que M. Delécluze a bien fait d’user discrètement du privilége qui lui était accordé par M. M…e. Lié lui-même d’amitié avec Léopold Robert, il s’est exagéré la valeur philosophique et littéraire des morceaux qu’il a insérés dans sa notice ; toutefois il a compris qu’il ne devait pas livrer aux regards de la foule toutes les tortures d’un homme qui, en possession d’une renommée glorieuse, entouré d’amis sincères, respecté de ses rivaux, mais déçu dans la plus chère de ses espérances, s’est réfugié dans le suicide.
Quoique la popularité de Léopold Robert ne remonte pas au-delà du salon de 1831, époque où parut au Louvre le beau tableau des Moissonneurs, il est utile cependant d’étudier avec attention deux compositions envoyées aux salons de 1824 et 1827, je veux dire l’Improvisateur Napolitain et la Madone de l’Arc. Nous sommes loin de partager l’admiration des amis de Robert pour ces deux compositions ; mais nous reconnaissons qu’il y a dans ces deux ouvrages une vérité qui les recommande à la sympathie, sinon à l’approbation des juges éclairés. Dans l’Improvisateur napolitain, assurément le dessin des figures laisse beaucoup à désirer ; mais l’improvisateur est bien posé, et tous les personnages groupés à ses pieds écoutent bien. Si ce n’est pas un bon tableau, c’est du moins une scène copiée naïvement. Quoique la couleur soit crue, quoique les têtes soient modelées avec une gaucherie évidente, quoique les mains et les pieds soient à peine dégrossis, on ne peut se défendre d’une vive sympathie pour l’improvisateur et son auditoire ; car il règne sur tous les visages un bonheur sérieux. Léopold Robert a donné, dans cet ouvrage, une preuve éclatante du bon sens qui, à défaut de génie, présidait à tous ses travaux. Un amateur lui avait demandé un tableau représentant Corinne improvisant au cap Misène ; après de nombreux efforts pour tracer l’esquisse de cette scène, il comprit que le programme proposé ne convenait pas à la nature de son talent. Il est possible qu’il ait éprouvé une vive répugnance à peindre l’uniforme de lord Oswald en se rappelant les évènemens qui avaient séparé Neufchâtel de la France ; mais je crois qu’en refusant de représenter Corinne au cap Misène, il a surtout obéi à son admirable bon sens. Il se rappelait le poète populaire qu’il avait entendu sur le môle, et il aimait mieux peindre d’après ses souvenirs que de tenter une épreuve au-dessus de