ses forces, c’est-à-dire l’invention d’un tableau, la création de plusieurs figures dont sa mémoire ne lui fournissait pas les élémens. S’il eût consenti à représenter Corinne au cap Misène, il est probable qu’il eût fait un tableau inanimé ; en peignant sous la dictée de ses souvenirs l’improvisateur du môle, il a produit une œuvre d’une beauté fort incomplète sans doute, mais d’une grande vérité.
Dans la Madone de l’Arc, la disposition des personnages révèle chez Robert l’intention d’échapper à la reproduction littérale de ses souvenirs ; mais il est malheureusement vrai que cette intention est demeurée inaccomplie. Les figures placées sur le char manquent de simplicité dans leurs mouvemens, et celles qui entourent le char posent plutôt qu’elles n’agissent. Je n’ignore pas tout ce qu’il y a de théâtral dans la physionomie et les attitudes du peuple napolitain ; mais je crois que Robert, animé du désir d’inventer, a voulu imposer silence à ses souvenirs, et que, livré sans guide aux caprices impuissans de son imagination, il n’a pas su créer des mouvemens simples et vrais. Les personnages de ce tableau sont nombreux, et la composition manque d’intérêt. Le regard ne sait où s’arrêter. L’attention ne peut se concentrer sur le char, car elle est distraite par les figures placées sur le premier plan. Quant à la couleur de ce tableau, elle a quelque chose de criard ; on a peine à comprendre comment l’Italie, si justement célèbre par la pureté de son ciel, et par la variété harmonieuse de ses costumes, a pu inspirer à Léopold Robert une composition partagée en tons si crus. Le dessin des figures n’est ni plus savant, ni plus pur que celui de la toile précédente. Dans la Madone de l’Arc, comme dans l’Improvisateur napolitain, Robert prouve, d’une façon irrécusable, qu’il ne sait ni modeler une tête, ni attacher les phalanges d’une main capable de s’ouvrir et de se fermer. Il n’est pas permis de l’accuser de négligence, car cette accusation caractériserait mal ce qui manque au dessin de ses figures. Il n’y a qu’un mot pour définir nettement le défaut qui domine tous les autres, défaut que l’étude pourrait corriger, effacer sans doute, mais qui ne peut échapper qu’aux yeux inattentifs ; ce mot, c’est l’ignorance. En rapprochant l’Improvisateur napolitain et la Madone de l’Arc des paroles de Robert sur l’inutilité des études anatomiques, on ne peut s’empêcher de regretter qu’il les ait écrites. Assurément nous sommes loin de croire qu’il soit nécessaire de construire chaque figure d’après un procédé exclusivement anatomique, et d’allier des os aux ligamens, puis de distribuer les artères, les veines, et les rameaux nerveux entre les masses musculaires, avant de se résoudre à peindre la peau et le