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REVUE. — CHRONIQUE.

De l’autre côté, on attaque le ministère en lui répétant tout ce qu’on disait autrefois aux doctrinaires avec lesquels on s’est allié aujourd’hui. C’est un ministère réactionnaire qui veut en finir avec le pays et transformer tous les délits de la presse en attentats dignes de la déportation. Le ministère est, en effet, un ministère bien réactionnaire ! Il n’y a qu’à lire les journaux pour voir tout de suite quelles graves atteintes il a portées à la liberté de la presse. On supposait qu’il laisserait inactives les armes que lui a laissées le ministère du 11 octobre, qu’on voudrait cependant faire revivre. Il a trompé ces espérances des amis de la liberté. Il est évident qu’il va marcher maintenant tête levée dans la voie des réactions. On sera bientôt obligé d’appeler M. Guizot et ses amis pour arrêter, dans cette funeste pente, le cabinet du 15 avril !

Le silence est commandé sur une publication qui se trouve déférée devant une cour de justice, et d’ailleurs les principes doivent être les mêmes à l’égard de tous les accusés. Aussi ne s’agit-il pas de savoir si le ministère a bien ou mal fait de traduire M. Laity devant la cour des pairs. C’est maintenant à la cour des pairs de juger si la brochure incriminée offre le caractère qu’on lui attribue. Mais on met le ministère en cause ; on dit qu’il a pris une mesure impopulaire, qu’il donne de l’importance à une opinion qui est en quelque sorte historique, et qui n’a pas de fondemens dans la réalité. On ajoute qu’il a mal choisi le moment, que ce n’est pas à l’heure même où la conversion des rentes se trouve indéfiniment ajournée par la chambre des pairs, qu’il fallait compromettre cette chambre par un procès plus impopulaire encore que le vote qu’elle vient de prononcer. Nous citons les termes mêmes de toutes ces attaques assez étranges, et qui nous semblent à la fois puériles et mal fondées.

D’abord le ministère n’a pas choisi le moment de ce procès qu’on lui reproche, pas plus que les procureurs du roi, les substituts, et autres membres du ministère public, ne choisissent le temps des procès qu’ils portent devant les tribunaux. Ce privilége appartient, en général, aux accusés, et nous ne pensons pas que M. Laity ait consulté le ministère pour publier la brochure qui a nécessité le procès qui va s’engager. Si même ce moment avait été choisi par le ministère, il ne serait pas aussi défavorable qu’on veut le dire ; car, sans parler de son indulgence pour le principal accusé de Strasbourg, c’est peu de jours après avoir demandé aux chambres une pension de 100,000 francs pour la sœur de Napoléon, que le ministère s’est vu forcé de sévir avec rigueur contre une tentative de propagande bonapartiste dans l’armée ; car c’est un fait notoire que la brochure saisie avait été adressée à divers régimens. Nous nous hâtons d’ajouter que nous ignorons entièrement si l’auteur de l’écrit a eu part à cette distribution.

Pour la chambre des pairs, que l’opposition craint tant de voir compromise, tout en l’attaquant si vivement, il n’est pas bien démontré que son vote, au sujet de la conversion des rentes, soit aussi impopulaire qu’on veut bien le dire. D’abord, il ne saurait l’être auprès des rentiers, et c’est déjà une classe de la nation, une classe nombreuse, et tout-à-fait populaire. La