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discussion de la loi des rentes dans la chambre des députés, avait d’ailleurs fait tomber déjà beaucoup d’illusions. Les hommes les plus versés dans les questions de finances avaient déclaré presque unanimement que la réduction des rentes ne procurerait aux départemens aucun des avantages qu’on leur avait promis, et on a vu que le rejet de la loi, pour cette année, a produit très peu de sensation. Dans un grand nombre de localités, on a vu les populations manifester la joie la plus vive, en apprenant l’adoption de quelques lois de chemins de fer. D’où vient que, dans les villes et dans les campagnes, où le taux de l’intérêt de l’argent semble élevé au commerce, on n’a manifesté aucun mécontentement de l’ajournement de la loi des rentes ? C’est qu’on sait que ses effets seront tardifs, presque nuls, en ce qui concerne la prétendue élévation des propriétés et l’abaissement de l’intérêt. La chambre des pairs, qui est composée des plus grands propriétaires de la France, et qui aurait bien aussi quelque chose à gagner dans l’élévation du prix des terres, ne s’est donc pas rendue impopulaire par son vote ; et quelle que soit sa décision dans le procès qui va s’ouvrir, elle ne se trouvera pas compromise par l’ordonnance qui l’a constituée en tribunal. Nous disons cela, non pour la chambre des pairs, qui le sait bien, mais pour ses amis de l’opposition, dont il faut se hâter de calmer les inquiétudes.

Quant aux idées politiques qu’on a rattachées à ce procès, nous n’en voyons qu’une : celle de prouver que le gouvernement n’abandonnera pas la défense de l’ordre social, qui lui est confiée. On a dit qu’on avait voulu mettre le bonapartisme en cause. Pas plus le bonapartisme que toute autre opinion qui tenterait de changer l’ordre de choses existant. Ce qu’on appelle les idées napoléoniennes, n’a aucune valeur en France. Le souvenir de la gloire de Napoléon n’est pas une opinion politique ; cette gloire appartient à toute la France, mais elle n’est pas disposée à en faire un héritage à quelque membre de la famille de l’empereur que ce soit. La France a conquis par elle-même, et sans Napoléon, ce que toutes ses conquêtes ne lui avaient pas donné : la liberté politique dans sa plus grande extension. Ce n’est pas quand elle a fait sa propre fortune qu’elle voudrait en confier le soin à quelques parens obscurs du grand homme qui l’en avait privée. Le bonapartisme n’est rien, il est moins que le légitimisme, parce qu’il ne représente rien, et qu’en réalité il n’est représenté par personne. Les véritables représentans du régime impérial, depuis la chute et la mort de Napoléon, ce sont les généraux, les hommes d’état, les administrateurs, qui ont pris part avec lui à ses guerres gigantesques, à la direction des nombreux pays conquis par ses armes, à la confection de ses codes. Où sont-ils aujourd’hui ? Au sein même du gouvernement constitutionnel que la France s’est donné en 1830, et qu’ils soutiennent de leurs lumières, de leurs épées, de tout l’éclat de la gloire qui s’attache à leurs travaux passés. Le plus illustre débris de l’empire représente en ce moment à Londres le gouvernement de juillet. Les généraux de l’empire sont autour de la personne du roi ; les hommes d’état de l’empire sont dans le conseil, à la tête de toutes les administrations. De qui donc se compose le