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tante et unanime manifestation. Ce fut alors que vint l’amnistie, tant blâmée par les doctrinaires, et, après l’amnistie, d’autres actes que nous rappelons quelquefois, parce qu’on affecte toujours de les mettre à l’écart, actes glorieux ou salutaires, tels que la prise de Constantine, le mariage du duc d’Orléans, et qui achevèrent d’exaspérer le parti à qui il semble qu’on dérobe son bien chaque fois qu’il est en dehors du pouvoir. En un mot, il fallait se rapprocher ou laisser périr la France dans les divisions. C’est dans cet esprit que se sont faites les élections, puisque M. Duvergier de Hauranne veut le savoir ; mais en quelques colléges électoraux le ministère sema, sans le savoir, les dents du dragon, et il en sortit des doctrinaires, qui prirent les armes contre lui. L’œuvre était faite toutefois, les semences de grandes discordes civiles étouffées, et les doctrinaires eux-mêmes durent renoncer à leur langage passé pour se produire dans le monde politique. Est-ce donc un ministère impuissant, que celui qui a forcé le parti doctrinaire à demander l’extension de la liberté, au lieu des restrictions qu’il travaillait de nouveau à établir ? Et quant à caresser tous les partis, non pour les tromper tous, mais pour les faire sortir de l’état d’irritation où le ministère du 6 septembre les avait jetés, ou du moins pour en faire sortir les esprits les plus modérés, cette tentative n’a pas été vaine ; et, loin d’être une action blâmable, elle entrait dans les devoirs du gouvernement ! Ce temps est passé, il est vrai. On a pu voir qu’il est certains partis avec lesquels on ne gagne rien par les ménagemens, et dans ce nombre se trouve le parti doctrinaire ! La politique de conciliation serait, à notre avis, bien impuissante à son égard, et le ministère s’est déjà trouvé bien, dans cette session, de l’avoir combattu deux fois avec vigueur.

Ailleurs, M. Duvergier de Hauranne dit que la mission d’un gouvernement est de se mettre à la tête de la société pour la guider et la faire avancer. C’est, on le voit, une variation de la politique élevée demandée par M. Guizot. Quelle impulsion le ministère doctrinaire a-t-il donnée à la société ? L’a-t-il moralisée ? Les attentats à la personne du roi, qui ont signalé cette fatale époque, prouvent le contraire. Quelle grande loi d’organisation lui a-t-il donnée ? car nous sommes de ceux qui comptent pour rien les paroles à la tribune. L’amnistie, au contraire, est un acte de moralité, qui a donné une véritable impulsion au pays. En fait d’honneur et de dignité nationale, on peut citer la dernière guerre en Afrique, les notifications faites à Saint-Domingue, le blocus du Mexique. Les lois des chemins de fer, des canaux, n’étaient pas seulement des lois matérielles, elles tendaient à ouvrir des communications rapides entre les départemens, à y augmenter l’aisance, qui est la source des lumières. Les travaux publics, l’instruction dirigée par des ministres ardens au bien et laborieux, ont reçu des améliorations sensibles, et toutes les lois que dédaigne M. Duvergier, celle qui touche aux justices de paix, à l’organisation départementale surtout, paraîtront d’une haute importance aux yeux de quiconque a étudié sérieusement l’état social du pays. La loi pénitentiaire occupe le gouvernement, et elle se prépare chaque jour par des