Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
REVUE DES DEUX MONDES.

tion, et que si la tolérance de la chambre suffit pour qu’un tel parti vive, il faut, pour qu’il arrive au pouvoir, quelque chose de plus. «

Que dire de cette violence de quelques partis, de ces attaques furieuses répétées par les journaux de toutes couleurs, au moment où des tentatives d’un autre genre semblent se préparer sur plusieurs points. Il semble que l’éloignement de la chambre ait été le signal d’un cri de désespoir et de colère, de la part de toute l’opposition, de celle qui s’attaque au ministère, et de celle qui s’attaque encore plus haut. Dieu merci, ces attaques ne troubleront pas le repos et la prospérité de la France. Plus elles sont violentes, moins elles sont dangereuses pour l’esprit public. La France a eu de grandes leçons ; ce ne sont pas les exagérations et les entreprises extravagantes qui la feront dévier, et nous croyons qu’elle n’est aux caprices de personne ; mais, dans cet état de choses, le pouvoir a de nouveaux devoirs à remplir. La politique de conciliation ne doit pas exclure l’énergie. Le ministère a été nié durant la cession, par ses adversaires. Qu’il s’affirme en faisant respecter l’autorité ; et qu’à la session prochaine, M. Guizot, M. Duvergier et leurs amis ne puissent plus dire, même en paroles vagues, que le pouvoir s’amoindrit et s’en va. Si l’on soutient encore, après cette active et difficile session, que le ministère, qui l’a traversée et qui l’a rendue fructueuse, malgré tous les efforts de ses ennemis pour la stériliser, est un ministère faible, on ne se plaindra pas sans doute qu’il s’applique, sans être persécuteur, à repousser ces reproches d’ici à la session prochaine. Le moment est favorable. Le vieux bonapartisme, rajeuni sous des formes républicaines, relève la tête. Les légitimistes, toujours prêts à tendre la main à tous les ennemis de la révolution de juillet, énumèrent avec enthousiasme les soldats que peut faire marcher la Russie. La visite que vient de faire l’empereur de Russie au roi de Suède les enivre de joie. La presse légitimiste y voit déjà un renouvellement de ces conférences d’Abo, « où, dit une feuille de ce parti, on arrêta le plan de campagne de 1813, et toutes les éventualités de la chute de Napoléon, en ce qui touchait le gouvernement de France. » Et pour ne rien laisser en doute, une autre feuille ajoute que la Russie n’attend qu’un mot de son empereur pour étouffer l’anarchie qui déborde sur l’Europe. C’est au ministère à réprimer ces étranges écarts.

L’alliance du parti légitimiste avec l’étranger n’est pas un fait nouveau ; mais ce qui l’est, au moins, c’est l’oubli des répugnances de l’émigration pour l’empire, à qui elle n’avait pas pardonné depuis sa chute et pendant toute la restauration. Ainsi trois partis se donnent aujourd’hui la main dans la presse, les légitimistes, les bonapartistes et les républicains. Trois partis se donnent aussi la main dans l’opposition parlementaire, les doctrinaires, l’extrême gauche et la fraction du tiers-parti. On demandera peut-être ce qui reste à la France, d’après cette énumération. Il lui reste tout ce qui veut l’ordre et la paix, c’est-à-dire la presque totalité de la France qui a maintenu ces deux conditions de sa vie actuelle, en face de tous les partis en des temps plus difficiles. Or, quelques doctrinaires de plus ou de moins, alliés à