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LA TERREUR EN BRETAGNE.

du peuple, qu’à son écharpe tricolore je reconnus pour un officier de la commune ; si celle que tu cherches est ici, on la trouvera.

— Au fait, fouillons sans tant pérorer, s’écria Pochole. Par un mouvement instinctif, je me jetai devant la porte ; l’officier municipal remarqua mon geste et le comprit.

— Voyez d’abord ailleurs, dit-il, ce n’est pas d’habitude dans les chambres ouvertes à tout le monde que l’on cache les proscrits.

Pochole et les soldats traversèrent rapidement la pièce où nous nous trouvions et gagnèrent l’étage supérieur.

— Maintenant, continua l’officier municipal en se tournant de notre côté, vite, par la porte de la cour… Emmenez-la… Ils ne la verront point.

Je saisis Claire par la main, et nous descendîmes rapidement. Leperdit (car c’était lui) nous suivit des yeux jusqu’à ce qu’il nous eût vus disparaître dans la rue.

Nous avions couru d’abord, mais c’était le moyen d’attirer sur nous l’attention ; je laissai aller la main de la jeune fille et lui dis de marcher à mes côtés, sans presser le pas et sans détourner la tête. Ce fut jusqu’au faubourg un supplice horrible ! Sentir que chaque minute de retard peut vous perdre, et ne point oser fuir !… Nous arrivâmes enfin à l’endroit où nous devions trouver le cabriolet ; mais le loueur de chevaux était absent, rien n’avait été préparé ! Il fallut attendre dans d’horribles angoisses. Chaque rumeur de voix dans le lointain, chaque bruit de pas nous faisait tressaillir ! Nous allions monter en voiture, lorsque nous vîmes venir des soldats ! Claire jeta un faible cri et me saisit le bras ; je crus que nous étions perdus ; mais c’était une patrouille qui passa outre. Nous pûmes enfin partir.

Nous allions dépasser les dernières maisons du faubourg, et je commençais à respirer plus librement. Tout à coup un cri de qui vive ! retentit à quelques pas ; et la baïonnette d’une sentinelle se croisa devant notre cheval ; nous étions tombés au milieu d’un poste avancé dont j’ignorais l’existence ! On nous ordonna de descendre et d’entrer dans une maison à demi ruinée qui avait été transformée en corps-de-garde. Je recommandai tout bas à ma compagne de me laisser répondre à toutes les questions.

Je reconnus tout de suite qu’il s’agissait d’une vérification de passeports ; plusieurs autres voyageurs attendaient comme nous. Lorsque nous entrâmes, une altercation venait de s’élever entre un de ceux-ci et l’officier qui commandait le poste.