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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/390

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son Mécène, avec le nom de Mélibée. Ainsi, dans la quatrième, il nous dit, en langage allégorique, que long-temps pauvre, réduit à aller chercher fortune dans des contrées lointaines, il a dû à ce patron une situation meilleure.

Le recueil s’ouvre par un pendant du Pollion de Virgile, qui, nous l’avons déjà dit, n’est guère une églogue que par la teinte pastorale de quelques détails. Calpurnius traite un sujet tout semblable. L’empereur Probus vient d’être assassiné, en 282 ; Carus, un des premiers hommes de guerre du temps, a été proclamé empereur, et ses deux fils, Carin et Numérien, associés par lui à l’empire, sous le titre de Césars. Le poète veut célébrer, à l’exemple du pasteur de Mantoue, les prospérités du règne qui va commencer ; mais il le fait d’une façon justement louée par Fontenelle, comme plus bucolique. Nul exemple ne peut mieux montrer l’art, qui le distingue, de renouveler par d’heureuses inventions les thèmes qu’il emprunte à son modèle. Ornitus et Corydon se sont retirés à l’ombre, dans un bocage consacré au dieu Faune, dieu pastoral et dieu latin tout ensemble ; et là ils lisent sur l’écorce d’un hêtre, écrit de la main du dieu, un oracle qui annonce tout ce que se promet Calpurnius du nouveau souverain. Après avoir loué ce tour ingénieux, Fontenelle ajoute : « C’est dommage que Virgile n’ait pas fait les vers de cette pièce ; encore ne serait-il pas nécessaire qu’il les eût faits tous. » On peut dire qu’il les a faits en partie ; Calpurnius écrit d’après Virgile et avec Virgile. Le poète semble avoir voulu se rapprocher du caractère du genre, par une familiarité qui contraste, comme chez Théocrite et Virgile, avec l’élégance des détails descriptifs. Corydon ne craint pas de parler de son chapeau qui le défend seul de la chaleur ; et lorsqu’il s’agit de lire les vers écrits sur le hêtre, il plaisante assez grossièrement, mais en fort bon style, sur la longue taille d’Ornitus. Dans l’oracle de Faune, comme dans celui que Virgile traduit de la sibylle, les prospérités futures du règne de Carus sont annoncées sous des expressions bucoliques qui n’ont pas grande nouveauté, et dont on trouverait facilement les élémens chez le poète du siècle d’Auguste ; mais il y a de fort beaux traits. Sous l’empire du nouveau dieu (Calpurnius, comme Virgile, devance l’apothéose qui fut faite de Carus après sa mort), la guerre civile cessera ; on ne verra plus de ces tristes victoires où Rome triomphait d’elle-même ; le sénat ne sera plus chargé de fers, décimé, torturé par la tyrannie. Cette comète, qui depuis vingt jours brille dans un ciel serein, sera plus propice que celle qui éclaira les sanglantes funérailles de César. À Probus assassiné succède Carus qui