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d’un de ses sujets elles réprime au besoin. Si, au contraire, la qualité de citoyen suisse était déniée par la confédération au fils de la duchesse de Saint-Leu, le gouvernement français serait fondé à le regarder comme un réfugié politique, et à demander son éloignement. L’opposition a déjà blâmé les démarches de la diplomatie française à ce sujet ; elle l’a fait sans les connaître. Nous ne voyons pas, quelque désir qu’elle en ait, ce qu’elle pourra trouver à redire à une semblable notification.

Il est vrai que l’opposition d’aujourd’hui ne se montre pas difficile dans le choix de ses attaques. Après avoir épuisé les reproches d’inconstitutionnalité, de présidence factice, de substitution du roi aux ministres et des ministres aux majorités, elle en est venue jusqu’à louer les ministres turcs de leur libéralisme et de leurs principes constitutionnels, et à les opposer aux ministres français, qui font peser sur la France un despotisme d’Orient ! C’est ainsi qu’une feuille des plus répandues de l’opposition, ne sachant à quoi se prendre ce jour-là, cite un article du Moniteur Ottoman, par lequel le grand-seigneur blâme la conduite d’Essad-Pacha, ex muchir d’Erzeroum, et depuis membre du conseil de la sublime Porte. Essad-Pacha a été dépouillé de ces dernières fonctions pour s’être emparé de vive force de la maison de campagne d’un membre du conseil de justice, qu’il trouvait à sa convenance ; et, à ce sujet, la feuille dont nous parlons, s’écrie que ce n’est pas en France qu’on imiterait l’exemple de la Turquie, en France, où le pouvoir ne donne jamais tort à ses délégués, qui abusent tant de leur pouvoir, — jusqu’à s’emparer de la maison d’autrui, sans doute ! À ce compte, il y aura tout à gagner à faire venir des ministres d’Orient pour nous gouverner : ce jour-là nous aurons peut-être enfin le gouvernement constitutionnel !

L’opposition joue un peu en ce moment, en France, le rôle que jouent certaines puissances en Europe ; la paix, l’ordre établi la gênent. Ce n’est pas au milieu de cette tranquillité que se feront ses affaires ; il lui faut quelque mouvement, un dérangement quelconque, et elle les provoque tant qu’elle peut. C’est là surtout la pensée du parti doctrinaire. Une époque d’ordre et de paix publique, n’est pas favorable à des esprits qui se sont armés pour la répression et qui se donnaient, il y a peu de temps, pour les seuls hommes d’état capables de gouverner le pays en temps de guerre civile. Il faut rendre justice au parti dont nous parlons ; il a toujours un but plus éloigné et une pensée plus complète que les autres nuances dont se compose l’opposition actuelle, et ses fautes même lui servent à arriver au but auquel il tend. Nous en avons la preuve dans quelques révélations qui nous ont été faites sur ce qui se passe au sein du parti à cette heure.

Il y a eu, depuis un an, trois phases dans la conduite du parti doctrinaire. Dès la formation du ministère du 15 avril, l’opposition du parti a été sourde. On s’était accordé pour tuer et anéantir le nouveau cabinet par la voie de la protection. Le ministère était si faible, disait-on, qu’il fallait bien le soutenir de quelques boules, et, comme on n’avait pas encore renoncé au rôle de conservateurs, on ne voulait pas se donner le tort du renversement d’un ministère