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Qu’on nous permette une dernière observation en faveur de la Guyane. La tendance des vieux peuples européens, en fait de colonies, est visiblement de sortir des îles où il n’y a que des populations amenées du dehors par la violence, et de former des colonisations continentales avec le concours des races qu’ils trouvent sous leur main ou qui peuvent être attirées de proche en proche. L’Inde anglaise, qu’est-ce autre chose ? La Nouvelle-Hollande est un continent dont la civilisation, commencée par des forçats déportés, englobe déjà les indigènes. Il y a une Amérique russe au nord-ouest du Nouveau-Monde. Les deux Canadas au nord-est occupent une forte position continentale, dont l’Angleterre, on le voit assez en ce moment, connaît toute la valeur. L’Égypte est une colonie turque et arabe à la limite d’un continent, et il n’est pas de nation civilisée qui ne crût, en s’en emparant, doubler sa puissance. Notre pays sait tout ce qu’il espère d’Alger et il n’a pas voulu renoncer à l’espoir de s’y agrandir avec le temps. Certes, dans un ordre beaucoup inférieur, mais au même titre, la Guyane promet tous les avantages qu’on aime aujourd’hui à trouver dans les établissemens qui ne sont pas d’avance clôturés entre des limites étroites ; et ces avantages se rattachent à toutes les questions qui troublent notre société malade, au paupérisme, à la réforme du système de pénalité, au besoin de satisfaire par de lointaines espérances les activités dangereuses, enfin à l’action extérieure du gouvernement. Il s’agit donc là tout à la fois de nos grandeurs et de nos misères.

Nous avons déjà eu occasion, dans ce qui précède, de parler des conseils coloniaux, créés par la loi du 24 avril 1833 pour remplacer les anciens conseils généraux des colonies. Il serait intéressant, pour avoir une idée complète du sujet qui nous occupe, de savoir exactement quel esprit anime cette institution nouvelle ; car, dans les réformes qui se préparent, nul doute que son influence pour le mal comme pour le bien ne soit un élément dont il faille tenir compte. La loi que nous venons de citer avait bien reconnu la gravité de cette considération, lorsqu’elle avait stipulé que l’extrait des procès-verbaux des séances des conseils coloniaux serait imprimé et publié ; mais on l’a exécutée de telle façon, qu’il n’y a aucune lumière à tirer des publications officielles que nous avons sous les yeux. Ainsi, dans l’Analyse des votes des conseils coloniaux que la direction centrale des colonies s’est chargée de rédiger et de publier, il n’est pas rare de rencontrer des renseignemens d’une inestimable précision, tels que ceux-ci :