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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/572

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REVUE DES DEUX MONDES.

« M. Alletz a tout jugé, ou du moins parlé de tout. Il décrit ce qui change encore, il approuve ce qui n’est pas encore achevé, il blâme quelquefois ce qu’il ne connaît pas assez ; car qui peut tout connaître ? Il substitue souvent à la réalité les illusions d’un cœur honnête. » Après M. Alletz, l’Académie a couronné M. Artaud. En appréciant l’Histoire de Pie VII et la lutte résignée du pontife contre le conquérant, M. Villemain est arrivé à une éloquence élevée, et s’est attiré, à plusieurs reprises, d’unanimes applaudissemens. Enfin, et comme l’a dit ensuite M. de Salvandy, M. Villemain parlait à bon droit d’éloquence, puisque au précepte il savait si bien joindre l’exemple.

Au discours de M. le secrétaire perpétuel succéda la lecture de deux fragmens des Éloges de Gerson, couronnés par l’Académie. Nous ne voudrions pas juger, sur des passages incomplets et mutilés, les œuvres de MM. Faugère et Dupré-Lasalle, qui perdaient trop, d’ailleurs, à venir après le discours de M. Villemain. Nous aurons, au surplus, l’occasion d’apprécier, dans le bulletin bibliographique que publiera dorénavant la Revue, les deux éloges, dès qu’ils seront imprimés.

La séance s’est terminée par un rapport de M. le ministre de l’instruction publique, directeur de l’Académie, sur les prix de vertu. Le discours de M. de Salvandy a obtenu un succès de larmes et d’émotion. Dans un récit animé et plein de verve, où des traits heureux et brillans ont été souvent applaudis, l’orateur a raconté avec entraînement les héroïques actions des nobles cœurs, que la conscience peut seule récompenser. M. de Salvandy avait habilement réservé pour la fin la touchante histoire d’un brave menuisier, Alexandre Martin, attaché autrefois à la maison de l’Aubespine, et qui avait recueilli les derniers et jeunes descendans du grand Sully, demeurés sans ressource. Il les servait à table, dans sa chaumière, comme il l’eut fait dans le château de Villebon, « ne comprenant pas, a dit M. de Salvandy, qu’il fût devenu leur égal parce que leur fortune était changée, ne comprenant pas, surtout, que la supériorité se fut déplacée, et qu’il l’eut mise de son côté, par sa vertu. » À ces éloquentes paroles, la salle entière s’est levée pour voir le vieux Martin et le jeune l’Aubespine, présens à la séance. Des larmes étaient dans tous les yeux ; la voix même de l’orateur hésitait, pleine d’émotion, et d’unanimes et interminables applaudissemens éclatèrent à plusieurs reprises, dans le public comme parmi les membres de l’Institut. Cette séance a été bien remplie, et laissera, sans doute, un vif souvenir à tous ceux qui l’ont entendue, et surtout à M. de Salvandy.

Le lendemain, vendredi, l’Académie des Inscriptions a tenu sa séance publique. L’affluence était presque aussi considérable que la veille, et la plus aimable portion du public n’avait pas été effrayée par la gravité du sujet. Après un rapport de M. le comte de Laborde sur les ouvrages couronnés, l’illustre M. Daunou, récemment élu secrétaire perpétuel en remplacement de M. Sylvestre de Sacy, a lu l’éloge de son prédécesseur et a été écouté avec une religieuse attention. C’était un sévère et touchant spectacle que cet éloge d’un savant aussi célèbre que M. de Sacy, prononcé par un noble et