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SOUVENIRS D’ÉCOSSE.

Le vieux seigneur, ayant acquis la preuve certaine de cette nouvelle trahison de son neveu, le fit saisir par ses hommes d’armes, et, refusant de le recevoir et de l’entendre, il leur donna ordre de le précipiter dans la prison du château. Quand on l’eut déposé sur la pierre, on retira l’échelle, on laissa retomber la trappe, et, pendant trois jours et trois nuits, on le laissa sans alimens. Le malheureux, succombant aux angoisses de la faim, demandait à grands cris des vivres ou la mort, quand tout à coup la pierre qui fermait la voûte du caveau se leva, et un énorme morceau de bœuf salé fut jeté au prisonnier qui s’en saisit avec avidité et le dévora. Sa faim n’était pas encore apaisée, quand Hugh Mac-Donald se sentit consumé d’une soif ardente. « De l’eau ! de l’eau ! cria-t-il avec instance, de l’eau, une seule goutte d’eau ! toute ma vie pour une goutte d’eau ! » Long-temps ses cris se perdirent dans la nuit et restèrent sans réponse ; déjà le prisonnier, s’abandonnant au désespoir, essayait par mille moyens de tempérer l’ardeur qui le dévorait, léchant les murailles visqueuses et les dalles humides de sa prison, quand tout à coup la trappe se soulève de nouveau, et un grand vase est descendu. Le malheureux le soulève avec transport et le porte à ses lèvres… Le vase était vide ! Alors la lumière se retire, la pierre retombe, et Hugh Mac-Donald comprend toute l’horrible vérité des menaces de son oncle. Il était condamné à mourir de soif. Combien de temps dura son supplice ? Nul ne le sait.

On voit encore sur la terre humide, au fond de ces noirs caveaux, des débris de chaînes et les ossemens des malheureux qui succombèrent sans doute dans des supplices du même genre ; parmi ces captifs, il y en avait auxquels on scellait un pied ou une main dans l’épaisseur de la muraille, et qu’on laissait mourir de gêne et d’épuisement, dans la position où ils se trouvaient. D’autres étaient liés deux à deux et s’entre-dévoraient dans les ténèbres ; d’autres, renfermés dans des cages de fer, ne pouvaient ni se coucher, ni s’asseoir, ni se tenir debout. Tout ce que l’imagination des hommes peut introduire dans les supplices de raffinemens cruels, fut tour à tour épuisé par chacun des maîtres de ces châteaux.

Ces chefs hébridiens, aux mœurs rudes et quelquefois féroces, ne manquaient pas cependant de la générosité familière aux peuples barbares. Sur les murailles d’un de ces vieux châteaux qu’habitent aujourd’hui la belette et le hibou, et qui autrefois appartint aux Mac-Leans, on lit l’inscription suivante, à demi effacée par le temps :

« Qu’un homme du clan des Mac-Lonish vienne frapper à la porte de ce château, et fût-il minuit, eût-il à la main une tête humaine, la porte s’ouvrira, et le Mac-Lonish trouvera asile et protection contre tous, le roi excepté. »

Voici à quelle occasion cette inscription fut placée sur ces murailles. Le laird de Mac-Lean, fils de ce Jean Gerves, dit le géant, dont nous avons raconté précédemment l’histoire, avait obtenu de Jacques II la propriété des terres de Lochiel confisquées pour crime de haute trahison. Mac-Lean résolut de faire valoir ses nouveaux droits ; il rassembla tous les hommes de son clan capables de porter les armes, et, comme il prévoyait que la résistance serait