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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/726

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REVUE DES DEUX MONDES.

l’héritier du trône, et il devait le faire. De son côté, le roi s’est rendu avec sa famille à l’église cathédrale, pour remercier Dieu de la grace qu’il lui a faite. La France a-t-elle donc pris l’engagement d’être athée depuis la révolution de juillet ? Cet acte religieux révolte une certaine partie de l’opposition, qui ne voit aujourd’hui que théocratie et fanatisme. M. l’archevêque de Paris lui semble un cardinal de Retz, un turbulent qui se soumet en frémissant, et qui prend d’une main mille fois plus qu’il ne donne de l’autre. Quand donc laisserons-nous à chacun son caractère ? Un archevêque, un prélat, ne peut avoir les idées d’un écrivain politique, ou d’un député constitutionnel. Le prélat dit au roi qu’il a demandé à Dieu d’abréger les temps, et de hâter le moment où tous les Français seront réunis dans les liens d’une même foi, en un seul troupeau avec un seul pasteur. Mais tel a toujours été le vœu de l’église catholique, vœu que manifestent les missions lointaines, les prédications, les martyres qui l’ont honorée, et, il faut bien le dire, les persécutions qu’elle a soulevées et qui l’ont quelquefois flétrie. Veut-on que l’église catholique abdique son principe fondamental, qui est le prosélytisme, et qu’elle ne se permette pas même un vœu innocent pour la conversion de ceux qu’elle voudrait voir dans son sein ? L’article 5 de la Charte dit que chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient, pour son culte, la même protection. Voudrait-on empêcher M. l’archevêque de Paris de professer sa religion avec la liberté que nous réclamons pour nous tous ? Imiterons-nous le fanatisme voltairien du Constitutionnel, qui s’écrie à cette occasion « Voyez comme le prélat donne un large champ à ses passions d’intolérance, lorsqu’il appelle de ses vœux le jour où tous les Français seront convertis à la foi catholique ! » C’est un prélat bien intolérant, en effet, que celui qui prie Dieu d’augmenter le nombre de ses fidèles. Les prêtres de toutes les religions font-ils autre chose ? Disons la vérité, et ne reculons pas lâchement devant ces aveugles élans du vieux libéralisme. M. l’archevêque de Paris a parlé en archevêque, et le roi comme un roi, d’abord en blâmant les désastres qui ont frappé l’archevêché, en 1831, puis en disant « qu’il louait Dieu de tous les bienfaits que la main céleste a répandus sur la France, sur sa famille et sur lui. » Le temps d’épreuves dont a parlé M. l’archevêque de Paris, est passé, nous l’espérons ; le clergé a subi les effets inévitables d’une réaction que quelques-uns de ses membres avaient provoquée, en se mêlant trop ardemment à la politique de la restauration et en l’entraînant dans des voies fâcheuses. Les paroles même du prélat prouvent que le gouvernement est loin de tout accorder au clergé, comme on l’en accuse ; mais tous les égards, dus à un corps respectable, lui sont accordés sans réserve. En restant dans les limites du sacerdoce, il s’assurera la plus utile et la plus belle influence, et il la devra uniquement aux vertus dont le clergé français a tant de fois donné l’exemple.

Quelques journaux français, de ceux qui ont le plus contribué à l’exaltation qui règne dans plusieurs cantons de la Suisse contre la France, annoncent