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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/733

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REVUE. — CHRONIQUE.

voudrait sérieusement que son gouvernement fît la grosse voix contre les maîtres de Java, c’est-à-dire la Hollande ; contre l’union des douanes allemandes, c’est-à-dire la Prusse ; contre les possesseurs du cours de la Vistule ; c’est-à-dire encore la Prusse et la Russie ; contre les puissances protectrices de Cracovie, c’est-à-dire encore la Prusse et la Russie, avec l’Autriche de surcroît ; contre les conquérans d’Alger, c’est-à-dire contre la France ; en un mot contre toute l’Europe ou à peu près ! Si c’est là de la politique, monsieur, je ne m’y connais pas, malgré les exagérations que l’on passe d’ordinaire à des marchands de mauvaise humeur et à toutes les oppositions du monde. Je vais vous parler tout à l’heure d’un autre orateur, lord Strangford, ancien diplomate cependant et homme d’affaires, qui ne se montre pas moins exigeant à l’endroit de nos griefs contre le Mexique et Buenos-Ayres et des moyens que nous avons pris pour en obtenir satisfaction.

Le rôle d’un ministère ainsi attaqué n’est pas glorieux, et cependant ce ministère est dans le vrai, dans la raison, dans la politique, quand il vient opposer à des accusations incohérentes ces simples mots : Nous n’avons pas le droit, nous ne possédons pas les moyens de faire ou d’empêcher, au gré de vos désirs ou de vos alarmes. C’est ce que lord Melbourne a répondu à lord Lyndhurst. Je n’insisterais pas avec vous sur cette discussion, si nos ministères n’avaient eu souvent dans les deux chambres, surtout dans celle des députés, de pareilles interpellations à subir. Mais chez nous aussi, on a plus d’une fois dénoncé l’union des douanes allemandes, comme fort préjudiciable à notre commerce, et comme très dangereuse sous le point de vue politique. Chez nous aussi, on a fait un crime au gouvernement de ne pas avoir arrêté le développement de cette ligne puissante, qui a tant ajouté à l’influence de la Prusse en Allemagne. Chez nous aussi, on a souvent parlé de Cracovie, appelé en termes impératifs l’attention du ministère sur les évènemens dont cette ville était le théâtre, sommé le ministre des affaires étrangères de dire ce qu’il avait fait pour y combattre l’irrésistible prépondérance des trois cours soi-disant protectrices de ce petit état. Eh bien ! voici, monsieur, ce qu’a répondu lord Melbourne avec franchise et simplicité. Sans examiner s’il était vrai que l’union des douanes allemandes eût porté un aussi grand préjudice qu’on le prétend au commerce anglais, il a dit que l’Angleterre n’avait pu s’y opposer, que la formation de cette ligue commerciale n’était contraire à aucun traité, qu’aucune puissance étrangère n’avait droit d’intervenir dans des arrangemens de cette nature, essentiellement dépendans du libre exercice de la souveraineté locale. Quelque tort que puissent faire ces conventions au commerce d’une nation rivale, il n’y aurait, a fort bien ajouté lord Melbourne, qu’un moyen d’en neutraliser ou d’en atténuer l’effet : ce serait d’offrir à l’union des douanes tous les avantages au prix desquels elle serait disposée à baisser ses tarifs, comme cela se pratique toujours entre souverainetés égales et également libres. Je recommande cette réponse à M. Mauguin. Assurément, ce n’est pas un langage de matamore ; mais c’est le bon sens pratique de l’homme d’état