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ration il ne sera jamais, à leurs yeux, qu’un vaincu. Ceci est une des clauses de la coalition.

Reviendrons-nous sur ces discours que toute la France a déjà lus, et qu’elle a peut-être jugés autrement qu’on ne le fait dans les journaux des doctrinaires et de la gauche. N’avions-nous pas répondu dès long-temps à M. de Montalembert sur la Belgique ? M. Molé a terminé la discussion, et replacé la question déjà résolue pour tous les hommes qui ont étudié sérieusement et de haut les affaires. Un traité, sollicité dans les termes les plus pressans par la Belgique, qui ne demandait aux cinq puissances que de la constituer nation en Europe, un traité que les plénipotentiaires belges à Londres obtenaient malgré le roi de Hollande et contre lui, qu’ils ratifiaient en déclarant qu’ils le concluaient avec les puissances représentées à la conférence, qui s’en portaient garantes nonobstant l’opposition du roi Guillaume, un tel traité serait déchiré aujourd’hui par la seule volonté de la Belgique ! On ne demande pas à la France de plaider pour la Belgique, de négocier pour de meilleures conditions de territoire, car elle le fait depuis un an avec une chaleur et une persévérance qui mériteraient plus de gratitude ; on lui demande de biffer sa propre signature qui figure sur le traité des 24 articles, près de celles de l’Angleterre, de l’Autriche, de la Russie et de la Prusse. On veut que la France fasse la guerre à l’Europe pour donner de vive force à la Belgique deux demi-provinces que ne lui accorde pas ce traité ! Nous n’avons pas fait la guerre en 1830 pour déchirer les traités de 1815, signés sous les baïonnettes de l’Europe coalisée, et nous la ferions en 1838 pour anéantir le traité des 24 articles que nous avons signé et garanti bénévolement, à la demande même de ceux qui le repoussent ! S’il s’agissait de reprendre Courtray, Tournay, Mons, Charleroi, Philippeville, à la bonne heure ! Mais mettre le feu à l’Europe pour conserver à la Belgique une petite portion de la province de Limbourg et quelques enclaves du duché de Luxembourg, c’est trop présumer du désintéressement et de l’esprit chevaleresque de la France, comme c’est, en même temps, mal apprécier sa loyauté et sa fidélité à ses engagemens.

Sur l’affaire d’Ancône, M. Molé a prouvé que la politique actuelle du gouvernement, loin d’être la déviation de la politique suivie depuis six ans, n’en était que la conséquence. Il a cité les dépêches du général Sébastiani, alors ministre des affaires étrangères, à notre ambassadeur à Rome, les ordres du maréchal Soult, alors ministre de la guerre, au général Cubières. Ces dépêches commandaient formellement l’évacuation d’Ancône, dans le seul cas où les troupes autrichiennes sortiraient des Marches ; et elles en sont sorties. L’opposition répond aujourd’hui, dans ses journaux, que ce ne sont là que des lambeaux de dépêches, qu’il ne s’agit pas de la politique mentale, intentionnelle des cabinets du 13 mars et du 11 octobre, mais de sa politique agissante et que celle-là n’a pas opéré l’évacuation d’Ancône. La politique mentale est une invention tout-à-fait ingénieuse, en vérité. L’opposition nous dira-t-elle à présent que, si les Autrichiens avaient évacué les états de