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REVUE. — CHRONIQUE.

l’église du temps des cabinets du 13 mars et 11 octobre, ce qu’elle appelle la politique mentale ne se serait pas changée en politique agissante et effective ? Nous sommes curieux de le savoir. Le maréchal Soult et le général Sébastiani, qui avaient signé ces ordres d’évacuer sans retard Ancône en pareil cas, sont intéressés à savoir quel degré d’honneur, de loyauté et de bonne foi, leur accorde la coalition.

M. le duc de Broglie voulait encore qu’on n’évacuât pas Ancône avant que les Russes et les Autrichiens n’eussent évacué Cracovie et Francfort. Eh quoi ! le cabinet du Vatican est-il pour quelque chose dans les malheurs de la Pologne ; les troupes pontificales ont-elles donc contribué à la violation du territoire de la république cracouse ? C’est au saint-siége qui a tant souffert dans ses intérêts comme centre de l’église catholique romaine ; c’est au saint-père, qui a tant pâti dans son cœur de chrétien du système suivi par la Russie à l’égard de la Pologne, que M. le duc de Broglie voudrait que nous nous en prissions de l’anéantissement de la nationalité polonaise ? Nous ferions payer au gouvernement pontifical l’occupation de Varsovie et de Francfort, à un gouvernement de qui la monarchie de juillet n’a qu’à se louer, qui s’est efforcé de modérer l’hostilité de quelques membres du clergé français contre les institutions de 1830, et qui, récemment encore, a consacré de toute son autorité sacerdotale l’occupation de l’Algérie par nos soldats, en donnant un évêque à nos possessions d’Afrique ? Sont-ce bien là les principes du droit et de la justice, et M. Molé, qui s’est éloquemment opposé à ces vues, n’a-t-il pas défendu les règles de la politique la plus saine et la plus haute, en même temps que le texte des traités ?

Un passage du discours de M. le duc de Broglie a fixé particulièrement notre attention. Le noble pair a dit que la prise d’Ancône n’a pas été un fait isolé, que ce fait se rattache à un plan de conduite tout entier, à un ensemble politique qui dure depuis six années, et, sans doute, auquel ont contribué successivement les ministères du 13 mars, du 11 octobre et peut-être du 22 février. Or la coalition a dit et répète chaque jour que la politique du 13 mars est le système particulier, personnel du roi, que cette pensée a dominé impérieusement tous les cabinets, que la présidence réelle et toutes les réalités que poursuit la coalition, ne pourront être atteintes que lorsque cette politique toute personnelle et tyrannique aura cédé devant la politique des ministres. Et voilà que vous attaquez le ministère pour avoir dévié de ce plan et de ce système ! Bon ou mauvais, c’est donc son propre avis qu’il a suivi. Que deviennent alors toutes vos précédentes attaques ? C’est justement pour rompre ce long système uniforme, pour faire cesser cette soumission dont vous avouez vous être rendu vous-mêmes coupables, que vous avez cimenté une coalition. N’est-ce pas là ce que M. Duvergier de Hauranne a écrit sous toutes les formes, ce que M. Guizot a écrit, ce que M. de Rémusat a écrit ; ce que disent tout haut, dans les bureaux, tous les membres de la coalition ? Et aujourd’hui le plus grave des orateurs de l’opposition vient nous dire que le ministère a eu une mauvaise inspiration, qu’il fait des fautes, et des fautes