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capitales, de son propre chef, qu’il s’écarte du système du 13 mars et du 11 octobre, en un mot, qu’il obéit à sa conviction et à sa volonté.

Nous sommes charmés de vous l’entendre dire. L’affaire suisse, que vous blâmez aussi, a été conduite en l’absence du roi. C’est alors que vous avez eu, même matériellement, la présidence réelle ! Nous savions que ces négociations, bien importantes puisqu’il s’agissait de la paix ou de la guerre, avaient été menées par le ministre des affaires étrangères, sans que le roi, éloigné alors, en eût pris connaissance avant les résultats. Nous savions que la responsabilité que M. Molé réclame lui appartient légitimement, et que s’il y a blâme dans l’adresse qui doit être, selon les promesses de la coalition, un acte d’accusation et un programme politique à la fois, le blâme lui reviendra de tout droit. Rien de mieux, le ministère sera blâmé, accusé s’il le faut ; mais on ne dira plus, au moins, qu’une pensée immuable dirige les affaires, et que les ministres ne sont rien. Autrement nous dirions ce que M. Molé disait à M. Cousin : « Nos adversaires se soucient peu de se mettre d’accord avec eux-mêmes ! » Mais vous verrez que l’opposition soutiendra les deux thèmes à la fois.

L’esprit de dénégation est poussé avec une telle outrance dans la coalition, qu’on en est venu presque à nier qu’il y ait eu chez M. le général Jacqueminot une réunion de députés favorables au gouvernement. Après avoir chicané sur le chiffre, on chicane sur l’esprit de la réunion. D’abord, on s’attaque, comme d’ordinaire, à la moralité de ses membres. Il y a là, dit-on, des députés qui parlent d’une façon et qui votent de l’autre. Il y a les timorés, les timides, qui passeront à l’opposition dès la première victoire qu’elle remportera. Et pour le petit nombre de ceux dont la position est trop en vue pour qu’on puisse attaquer leur moralité et leur caractère, on dit qu’ils ont constitué cette réunion, non pour défendre le ministère, mais pour le modifier. Mais une réunion qui voudrait modifier un cabinet, ne serait pas encore son ennemie. Nous l’avons vu du temps de la réunion Fulchiron, que M. Thiers et ses amis du tiers-parti ne regardaient pas comme une assemblée de gens hostiles. Personne ne conteste le droit de la majorité, du côté du gouvernement, du moins. Elle a nommé une commission dont la majorité est hostile au ministère. Si cette commission a le courage et la loyauté d’exposer, dans son projet d’adresse, les griefs qu’elle a si hautement articulés dans les feuilles de la coalition et dans les bureaux, si la chambre se rend au vœu de la commission, le pouvoir appartiendra à la coalition, c’est-à-dire à deux ou trois minorités sourdement ennemies. L’une de ces minorités, celle des doctrinaires, s’est déjà réunie. Ils étaient trente ! Et cependant, nous le répétons, si chacun garde ses opinions et les expose avec conscience, les doctrinaires seuls sont en position d’entrer au pouvoir.

Si, au contraire, la chambre désapprouve le projet d’adresse, le ministère restera. C’est ce que sait encore tout le monde. L’opposition dit à présent que les députés qui s’apprêtent à le soutenir, veulent le modifier. Eh bien ! si ces députés forment une majorité dans la chambre, il faudra bien leur