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REVUE. — CHRONIQUE.

obéir. Le Constitutionnel dit que le ministère doit succomber. Il se peut ; mais il ne le fera qu’en obéissant à la majorité, de même qu’il lui obéira en restant. En tout cas, il doit être prêt à subir les lois du régime représentatif. Quand on est décidé à se retirer en masse pour obéir au droit de la chambre et aux conditions de notre gouvernement, on peut bien être résigné à se retirer en détail. Mais ce n’est ni dans les journaux, ni dans les conversations de couloir, ni dans les conciliabules de salon, que s’expriment les majorités ; et ce n’est pas là, nous en sommes bien sûrs, que le ministère ira prendre ses décisions.

L’opposition avertit aussi très charitablement la réunion qui a lieu chez M. Jacqueminot de prendre garde de faire ce qu’on fit du temps de M. de Martignac, en 1828. Quand, à un cabinet de cour, dit le Constitutionnel, succéda un cabinet parlementaire, on fomenta dans la chambre une opposition de cour. Voudrait-on l’organiser d’avance ? — Nous répondrons que l’opposition de cour qui amena le ministère de M. de Polignac savait ce qu’elle faisait. Elle ne cachait pas ses desseins. Ses feuilles menaçaient tout haut la Charte ; elles annonçaient les coups d’état qui eurent lieu plus tard. L’opposition que feraient M. Jacqueminot et ses deux cents amis, aux doctrinaires par exemple, mêlés de quelques membres du tiers-parti, cette opposition serait-elle de même nature que celle du parti de la cour contre le ministère de M. de Martignac ? Travaillerait-elle en faveur du pouvoir absolu, de l’aristocratie, et contre le gouvernement représentatif et la démocratie, défendus par les doctrinaires ! Cela sonne étrangement. Il y avait un temps, peu éloigné, où M. Thiers et ses amis avaient une meilleure opinion du patriotisme et des principes constitutionnels de MM. Jacqueminot, Fulchiron, Baude, Barbet, Debelleyme, Cunin-Gridaine, Delessert, Saint-Marc-Girardin, Las-Cases, et des honorables députés qui se sont formés en réunion avec eux !

La discussion de l’adresse éclairera tout ceci. Nous verrons si M. Duvergier et ses amis, à qui nous présenterons, s’ils le veulent, la liste exacte de toutes les places et de toutes les faveurs qu’ils ont accordées à leurs électeurs et à leurs amis de la presse, y feront prévaloir le reproche de corruption ; nous verrons si la chambre sera de l’avis de la coalition sur la Belgique et sur Ancône. Quant à l’adresse modérée qu’on nous annonce depuis la nomination de M. Étienne comme rédacteur du projet, nous ne saurions le croire. Un projet modéré, sorti d’une opposition violente, qui ne procède que l’injure à la bouche ! Quoi ! vous aurez bouleversé le pays, alarmé tous les esprits, troublé la sécurité qui le rendait prospère, pour ne rien dire de formel ! Vous aurez tout attaqué, pour laisser tout en place ! Vous aurez crié depuis neuf mois, par-dessus les montagnes, que vos efforts enfanteront tout un changement social, et vous accoucheriez d’un maigre et insignifiant changement de ministère ! Non, il ne sera pas dit que vous vous esquiverez au moment décisif, que vous avez appelé avec tant d’impatience. Si vous êtes pour l’intervention, pour la rupture du traité des 24 articles, pour la réforme électorale, pour l’abolition des lois de septembre, vous le direz. Autrement, si