Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/179

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
VOYAGEURS ET GÉOGRAPHES MODERNES.

n’y a plus qu’à se soumettre et à demander pardon à la statistique des mots légers qu’on aurait pu se permettre à son égard.

On a vu plus haut comment pouvaient être classées les qualités nécessaires à un auteur qui se dévoue à une compilation géographique. Connaître tous les documens, les juger, les ordonner, tels sont les trois aspects sous lesquels il faut envisager une tâche qui demande des facultés combinées d’érudition, de critique et de méthode. Nous ne parlons pas de la patience, qui est une vertu négative, si on la prend isolément, et de l’activité, qui est un don fâcheux, si on l’emploie à des pauvretés manifestes. Il reste maintenant à s’assurer jusqu’à quel point M. Balbi a satisfait à ces conditions diverses. En première ligne vient l’érudition. M. Balbi a-t-il su tout ce que demandait son travail, et l’a-t-il bien su ? N’a-t-il rien tronqué, rien confondu, rien omis ? Est-il vraiment l’esprit encyclopédique dont parle l’Avis de l’éditeur, et qui mérite de faire foi comme révélateur d’une Bible de géographie ? Loin de nous la pensée de contester qu’une portion de ces titres n’appartienne légitimement à M. Balbi, et de nier la richesse des sources auxquelles il a dû puiser. Mais, en même temps que nous lui rendons cette justice, il nous est impossible de reconnaître en lui une érudition profonde et absolue. L’érudition, dans sa partie intelligente, suppose une critique et un sens que M. Balbi ne montre pas toujours ; dans sa partie mécanique, une exactitude qu’il se permet souvent de violer. En regardant de près quelques passages traduits, nous avons cru entrevoir que M. Balbi ne possède pas parfaitement l’anglais[1], et hésite tant soit peu sur l’allemand. Quant à l’arabe, il est évident qu’il n’en sait pas un mot, car il tronque l’orthographe des villes égyptiennes et syriennes, et convertit Islam en obéissance à Dieu. Maghbreb, pour lui, équivaut à Provinces barbaresques, et n’a plus cette valeur relative qui en fait une région située à l’ouest de l’Arabie. Il n’est qu’une langue, sans en excepter la nôtre, dont on ne puisse contester à l’auteur de l’Abrégé la connaissance parfaite, c’est l’italien. Ajoutons que, de toutes, c’était la moins utile.

Il serait trop long de suivre ici, dans ses imperfections inévitables, un travail qu’on jugerait moins sévèrement, s’il affectait des airs plus modestes. Quelques redressemens suffiront ; on supposera facilement les autres. Ainsi, l’auteur de l’Abrégé, trompé par des analogies ap-

  1. Notamment dans un passage sur les ruines de Copan, où, traduisant un auteur anglais, traducteur lui-même de l’Espagnol Francisco de Fuentes, il rend par étoffe jaune un mot anglais qui veut dire fraise.