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L’ARABIE.

Khourschid-Pacha a suivi dans le nord du Hidjâ un système diamétralement opposé à celui du généralissime Ahmed-Pacha ; et quoique les sommes mises à sa disposition soient fort inférieures à celles que le neveu de son altesse peut gaspiller impunément, l’autorité de ce lieutenant-général, Khourschid, était plus solidement établie à Médine lors de mon départ (avril 1838), que la royauté du petit roi Ahmed à la Mecque.

Ibrahim-Pacha, du Yaman, est jeune et inconsidéré au superlatif, et rien, dit-on, n’égale le dénuement de ses soldats ; mais ce jeune homme est entreprenant ; et pour peu qu’on lui envoie de recrues et de vivres, il aura bientôt achevé la conquête du Yaman occidental, qui n’est point à dédaigner.

Avant d’aller plus loin, je crois devoir rappeler ce que j’ai dit ou donné à entendre dès le début : — que relativement à la superficie de la péninsule arabique, toute cette puissance turque n’est qu’une lisière. Au-delà de la lisière occupée par les Turcs, les schaykhs, imams ou sultans arabes ne relèvent que de Dieu et de leur épée.

Je voudrais être en état de tracer un tableau synoptique des nombreuses tribus répandues sur une contrée si vaste, si peu connue et si digne de l’être, alors même qu’elle n’aurait d’autre titre à notre intérêt que la persistance des mœurs patriarcales dans une partie considérable de sa population. Mais je n’ai visité jusqu’à présent qu’un très petit nombre de points ; et quoique j’aie pris des renseignemens sur beaucoup d’autres, je me suis occupé presque exclusivement des faits qui se rattachent à l’ancien état de choses, et peuvent servir de commentaire aux vieilles traditions. La découverte de la langue des Homérites, qui se parle encore à Mirbât et Zhafâr, et où je retrouve nombre de mots hébreux, était pour moi quelque chose de plus intéressant que les rapports des Arabes modernes avec les Turcs ou les Anglais. Toutefois, comme il est impossible de faire abstraction complète des choses au milieu desquelles on se trouve, j’ai été forcé, jusqu’à certain point, de m’occuper des intérêts vivans, et je rends compte aujourd’hui de ce que j’ai appris, pour ainsi dire, malgré moi.

La population de l’Arabie se divise tout naturellement en trois classes bien tranchées : — celle des villes, qui se compose, comme partout, d’hommes de loi, négocians, propriétaires, artisans, etc. ; — celle des campagnes cultivées, qui, en général, se groupe en vil-

    Mouri, chef des Wahhâbites de l’Assîr, victoire qui a remis les choses sur l’ancien pied, et date des premiers jours du mois de mai 1838. À la suite d’une bataille où il a été mis en déroute, le chef de l’Assîr s’est retiré dans sa montagne, où il est en sûreté comme devant.