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EXPÉDITION AU SPITZBERG.

Mais au milieu du calme, au sein de la tempête,
Nulle plante fidèle à mon sort ne s’unit,
Nul autre arbre isolé n’élève ici la tête,
Nul oiseau sur ce roc ne vient faire son nid.
Je n’entends que la voix de l’orage qui gronde,
Ou le cri du corbeau qui m’annonce l’hiver ;
Je ne vois que le sol qui se penche sur l’onde,
Et le bateau pêcheur qui s’enfuit sur la mer.

LE VOYAGEUR.

Oh ! ta plainte m’émeut, car elle me rappelle
La douleur qui traverse aussi le cœur humain.
Ne puis-je transplanter ta tige qui chancelle,
Et te voir reverdir par un riant matin ?

L’ARBRE.

Non, jamais, plus jamais. Ma sève est épuisée,
Mes rameaux ont perdu leur première vigueur,
Et nul soleil fécond, nulle douce rosée,
Ne peuvent raviver ma force et ma fraîcheur.
Sous ce ciel qu’un rayon pâle et furtif colore,
Au printemps j’aurais pu gaîment me balancer ;
Mais je suis resté seul : je languis et j’implore
La nuit d’hiver qui doit bientôt me renverser.

À une demi-lieue de Bossekop est Altengaard, l’ancienne demeure des gouverneurs de Finmark. C’est une belle habitation située au pied des bois, au milieu d’une grande plaine unie comme le Champ-de-Mars, et bordée par les eaux du golfe. Depuis vingt ans, le gouverneur reste à Tromsœ, et la maison qui lui était destinée vient d’être transformée en hopital.

Après avoir visité en détail la pharmacie et les salles de malades, encore vides et fraîchement peintes, mais qui présenteront bientôt l’aspect d’une douloureuse misère, nous remontâmes à cheval, et en courant à travers la plaine, nous arrivâmes à Elvbakken, l’un des plus beaux hameaux de la Norvége. Qu’on se figure, dans une enceinte de montagnes escarpées, les unes toutes nues, les autres couvertes, sur leurs flancs ou à leurs sommités, d’une large banderolle ou d’un manteau de neige, au bord du fleuve d’Alten, qui vient se jeter dans le golfe, une plaine verte, divisée par enclos, et dans chaque enclos un champ d’orge, une maison de paysan, une grange. Toutes ces habitations sont à peu près construites sur le même modèle. En entrant, on trouve la cuisine, puis une chambre avec un métier à tisser, et plus haut une autre chambre. Voilà tout. Mais ces maisons nous parurent plus propres et mieux entretenues que celles que nous voyions depuis long-temps sur notre route. Ce village est occupé en grande partie par une colonie de Finlandais, ou Quœner, comme on les appelle ici, qui ont émigré à différentes époques