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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

court dans une soirée où doit être Mlle de La Prise ; Max la lui remet, sans affectation et à haute voix, comme d’un ami : elle prend une carte, et, tout en y dessinant quelque fleur, elle a répondu au crayon deux mots discrets, mais certains, qui laissent à l’heureux Meyer et à son avenir toute espérance.

C’est là une véritable fin, la seule convenable. Pousser au-delà, c’eût été gâter ; en venir au mariage, s’il eut lieu, c’eût été trop réel. Au contraire, on ne sait pas bien ; l’œil est encore humide, on a tourné la dernière page, et l’on rêve. Les Lettres Neuchâteloises n’eurent pas de suite et n’en devaient pas avoir.

Deux ans après, en 1786, Mme de Charrière donna son ouvrage le plus connu, Caliste ou Lettres écrites de Lausanne. Il pourrait s’intituler Cécile, à meilleur droit que Caliste ; car Caliste n’y fait qu’épisode, Cécile en est véritablement l’héroïne, comme Mlle de La Prise dans le précédent. La mère de Cécile écrit régulièrement à une amie et parente du Languedoc ; elle ne lui parle que de cette chère enfant sans fortune, qui a dix-sept ans déjà et qu’il faut penser à marier : rien de plus gracieux que ces propos d’une mère jeune encore. Elle décrit sa Cécile, ses beautés, sa santé, sa fraîcheur, ses légers défauts même, le cou un peu gros, mais en tout bien du charme. — « Eh ! bien, oui. Un joli jeune homme, Savoyard, habillé en fille. C’est assez cela. Mais n’oubliez pas, pour vous la figurer aussi jolie qu’elle l’est, une certaine transparence dans le teint ; je ne sais quoi de satiné, de brillant, que lui donne souvent une légère transpiration ; c’est le contraire du mat, du terne ; c’est le satiné de la fleur rouge des pois odoriférans. » On commence de tous côtés à faire la cour à Cécile ; elle n’a qu’à choisir entre les amans. Un cousin ministre, un Bernois de mérite… mais, décidément, le préféré de la jeune fille est un petit milord en passage, qui lui fait la cour assez tendrement, mais ne se déclare pas. Tous ces détails de coquetterie innocente, d’émotion naïve, de prudence maternelle et de franchise presque de sœur, sont portés sur un fond de paysage brillant et de légère peinture du monde vaudois. Pas de drame, des situations très simples, et je ne sais quel intérêt attachant. Cécile ne se fait pas illusion ; elle voit bien qu’elle ne remplit pas, comme elle le mérite, ce cœur du petit Lord trop léger ; deux larmes brillent dans ses yeux en le confessant, et pourtant elle préfère ! La lettre XVI offre, entre la mère et la fille, une de ces scènes, comme les Lettres Neuchâteloises en peuvent faire augurer. Les derniers accens s’élèvent :

«… Nos paroles ont fini là, écrit la mère, mais non pas nos pensées… Les