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LA HONGRIE.

de ces formes antiques dédaignées par Joseph II, le monarque doit gravir au galop un tertre artificiel d’où il domine l’assemblée, tirer son sabre et en frapper l’air à l’est et à l’ouest, au nord et au midi.

Une abondante source d’eau sulfureuse sort du Schlossberg et alimente l’établissement thermal de Kaiserbad. Les Romains et les Turcs n’avaient point négligé cette richesse naturelle. Une belle piscine, si solidement construite qu’on n’a pas encore eu besoin de la réparer, est un reste des travaux de ces derniers conquérans. C’est dans ce seul bassin qu’hommes et femmes du peuple viennent se baigner aux mêmes heures, sans se soucier beaucoup des lois de la décence. Comme en sortant d’une pareille étuve les malades ont besoin de repos et qu’un lit serait pour eux un véritable luxe, ils se couchent sur les bords même de la piscine sans prendre la peine de se couvrir d’un vêtement. La fontaine, placée au milieu d’une jolie cour dont les arcades, les galeries et les balcons sont de style oriental, est sans cesse entourée d’une foule de buveurs de toutes les classes.

La vieille ville (Alt-Bude), séparée des deux autres quartiers, et par sa position, et par son organisation communale, s’étend assez loin sur la rive droite du Danube. C’est là que les Huns firent une halte au milieu de leurs brutales conquêtes, et que leur roi posa son trône de fer. L’inondation du 15 mars 1838 a exercé dans ce quartier de terribles ravages. Des rues entières n’offrent plus que des monceaux de ruines. Pesth, par la beauté de son quai qui rappelle un peu celui de Bordeaux, par la largeur de ses rues percées à angles droits, le nombre de ses places et ses brillans magasins, semble être à cent lieues de Bude. Du 13 au 18 mars, mais le 15 surtout, le Danube avait envahi la ville ; les rues et les places étaient devenues des torrens et des lacs de douze pieds de profondeur. J’étais à Pesth deux mois à peine après l’affreux désastre, et déjà cette ville avait retrouvé une partie de son activité. Le quai et la ville proprement dite ont peu souffert, mais les deux quartiers de Josephstadt et de Franzstadt, bâtis, à ce que l’on prétend, dans l’ancien lit du Danube, ont été complètement renversés. Au mois de mai dernier, deux mille maisons, sur les cinq mille que contenait Pesth, étaient à terre ou tellement ébranlées, qu’il fallait les reconstruire de fond en comble. Les amplifications de rhétorique me plaisent peu, je ne gémirai point sur des décombres ; il y a quelquefois du bien dans le mal, et quoiqu’il me soit dur d’écrire ces mots lorsque mille familles portent encore le deuil de leurs membres, l’inondation a été pour Pesth pres-