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HISTOIRE DE FRANCE.

mens légers, avec lesquels il bloqua le port de la Rochelle. Dès-lors seulement une flotte permanente et une marine royale furent organisées. En 1638, la France eut cent vaisseaux de guerre : quarante galères et vaisseaux ronds sur la Méditerranée, soixante sur l’Océan. Les établissemens commerciaux dans l’Amérique formèrent une école toujours active de navigation, et familiarisèrent les Français avec les expéditions maritimes. Les campagnes de mer commencèrent à être combinées avec les campagnes de terre. Sourdis portait l’épouvante sur les côtes du royaume de Naples, pendant que nos armées envahissaient le Roussillon et la Catalogne : il bloquait le port de Tarragone, tandis que le maréchal de La Motte assiégeait cette ville par terre. C’est ainsi que Richelieu mit la France en état de disputer l’empire de la mer à l’Espagne, à la Hollande et à l’Angleterre[1].

Ce grand appareil de forces ne pouvait se soutenir sans des ressources proportionnées en argent. Les finances occupèrent Richelieu en raison de l’importance qu’elles ont dans le mécanisme et le jeu des états modernes. Avant lui, on ne trouvait de fonds pour aucune entreprise utile ; sous lui, on en trouva pour toutes : l’argent perdu par ses prédécesseurs en dilapidations, en largesses abusives, en guerres civiles, en concessions honteuses, fut employé à la grandeur extérieure et intérieure de la France. En 1626, il trouva qu’il y avait 16 millions de revenu, 40 millions de dépense annuelle, 52 millions de dettes. Pour rétablir l’équilibre entre la recette et la dépense, il supprima les grandes charges dont les gages étaient excessifs, réduisit les pensions, racheta les domaines royaux aliénés à vil prix, et démolit les forteresses intérieures, inutiles à la défense du pays, ruineuses d’entretien, propres seulement à favoriser les révoltes de la noblesse. Il ranima le crédit, rétablit un ordre sévère dans le maniement des deniers publics, en remettant en vigueur les ordonnances de Sully. L’armée du siége de La Rochelle, quoique plus forte que celle de Montauban, coûta deux tiers de moins[2]. Il fit porter une partie des impôts sur les produits de luxe et les denrées inutiles : entre autres mesures de ce genre, on cite la taxe sur le tabac à trente sous par livre. Il restreignit le privilége, et il étendit les charges publiques à l’une des classes de citoyens qui pouvait le mieux les porter : homme du clergé, il taxa le clergé à un impôt annuel de 4 millions, pendant les six dernières années de son administration[3]. La réduction de La Rochelle lui coûta 40 millions ; les subsides fournis aux Hollandais, aux Suédois, au landgrave de Hesse, à

  1. « Le sieur Du Chalard ayant rencontré, à la rade de Saphy, un vaisseau anglais qui refusa de baisser son pavillon, le mit en si mauvais état, qu’ayant tué le capitaine qui le commandait et la plupart des officiers et soldats, il contraignit ceux qui restaient dedans à se rendre, la vie sauve. » (Richelieu, Mémoires.)
  2. Véron de Forbonnais, Recherches et considérations sur les finances de France, tom. i, pag. 182.
  3. Ces 4 millions annuels sont le produit de deux impôts différens exigés du clergé : 1o la subvention annuelle de 1,300,000 francs ; 2o les dons extraordinaires qu’il tira de cet ordre en 1637 et 1641.