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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/824

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REVUE DES DEUX MONDES.

Mansfeld, au duc de Weimar, à la Savoie, à toutes les puissances qui servirent à abaisser la maison d’Autriche, coûtèrent davantage. La dépense de chaque année de la période française de la guerre de trente ans s’éleva à 60 millions, somme énorme pour le temps ; « et ces charges furent supportées sans prendre sur les gages des officiers, sans toucher au revenu des particuliers, sans demander aucune aliénation de fonds du clergé : tous moyens extraordinaires auxquels les prédécesseurs de Louis XIII avaient recouru aux moindres guerres. » Pour faire face à ces dépenses, il fut obligé de recourir à l’augmentation des impôts, à la création de nouveaux offices et à un emprunt de 40 millions. Mais les mesures étaient prises pour diminuer cette dette et pour soulager le peuple de la moitié de ce qu’il payait. Les plus riches d’entre les roturiers étaient parvenus à s’en faire exempter : un dénombrement général des personnes et des biens devait réformer cet abus. Si la négligence de ses successeurs empêcha cette grande réforme, la faute ne peut lui être imputée sans injustice. Les plus hardis, les plus difficiles problèmes financiers exercèrent cette admirable intelligence. Parmi les moyens de libérer l’état, il pose le remboursement et la réduction de la rente au taux de l’argent payé originairement par les particuliers : il les reconnaît pour justes et légitimes dans le principe ; mais dans l’application il les rejette comme portant atteinte à l’inviolabilité de la foi publique, à la confiance, au crédit[1].

On a beaucoup déclamé contre les colonies. Après trois siècles d’expérience, les Anglais pensent que les établissemens coloniaux sont une voie à l’aisance et souvent à l’opulence pour une partie de leur population qui mourrait de misère sur le sol natal ; un immense débouché de commerce, une occasion de créer des fortunes nouvelles, de rétablir des fortunes perdues, offerte incessamment à ceux de leurs citoyens qui demeurent dans la mère-patrie ; un moyen de tenir en haleine toutes les facultés qu’exige l’industrie, et toutes les vertus qui découlent du travail ; un moyen encore de répandre la civilisation chez les nations parmi lesquelles vont s’établir leurs colons ; enfin un développement de leur puissance navale, une garantie de leur dignité et de leur sûreté, car, dans la balance de l’Europe, les forces maritimes pèsent à l’égal des forces continentales. C’est sous ce point de vue que Richelieu considéra la marine et les colonies ; c’est dans cet esprit qu’il forma des établissemens à la Martinique, à la Guadeloupe, à la Tortue, à Saint-Domingue, et développa ceux déjà commencés dans le Canada. La France avait laissé échapper la domination de ce pays : il la lui fit restituer par les Anglais. Les Espagnols avaient perdu les avantages attachés à la possession de l’Amérique, en se bornant à l’exploitation des mines. Conduit par des principes plus sains, Richelieu établit la prospérité de nos colonies sur l’agriculture et l’industrie : les colons se livrèrent à la culture du tabac, du coton, du roucou, du piment, et à l’exercice de tous les métiers connus en

  1. Richelieu, Testament politique, pag. 165-176, 163, 164.