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REVUE. — CHRONIQUE.

daient l’appui les abandonnent à leur tour, et le parti qui se dispose à prendre le pouvoir ne trouve rien à faire pour la Belgique, après le ministère du 15 avril !

Encore une fois, que s’est-il passé pour que le langage du gouvernement soit devenu tout à coup le langage de ceux qui s’étaient faits ses plus violens adversaires ? Est-ce bien l’opposition de gauche qui annonce avec complaisance que les opinions pacifiques prennent chaque jour plus de consistance et d’autorité en Belgique ? C’est la coalition qui s’indignait à la seule idée de laisser séparer du royaume de Belgique le Limbourg et le Luxembourg, ces barrières de la France ; c’est la coalition qui fait remarquer que les intérêts matériels ont déjà trop souffert en Belgique de la résistance au traité, et qui s’effraie d’une collision où pouvait, dit-elle, périr la nationalité belge ! Il est vrai que l’organe du centre gauche ajoute que le mal est fait, qu’il est trop tard, et qu’un cabinet du centre gauche eût pris bien autrement en main les affaires de la Belgique ! Mais ce n’est là qu’une précaution oratoire à l’égard des Belges, car la coalition déclarait, il y a bien peu de temps encore, que les traités désastreux ne sauraient lier la France ; et ce n’est pas une signature non suivie d’effet qui pourrait l’arrêter dans ses bonnes intentions pour les Belges, si elle avait dessein de repousser le traité des 24 articles. La vérité est qu’en approchant du pouvoir les idées se modèrent, et que les penchans pacifiques des électeurs ont diminué l’ardeur d’un grand nombre de leurs mandataires, à ce point que les partisans du dernier cabinet ne parleraient pas autrement que ne font aujourd’hui ceux qui le combattaient.

Nous ne demandons pas mieux que de voir surgir de la coalition le ministère fort, national, parlementaire et appuyé sur une majorité imposante, que nous promettent, chaque jour, les feuilles de l’ancienne opposition, même en avouant les difficultés qu’elle éprouve à former un ministère. Après toutes les secousses données au gouvernement par la coalition, la France aurait besoin d’un tel ministère en effet, mais nous le désirons sans l’espérer, et il nous semble que les ministres futurs se trouvent déjà un peu embarrassés de leur programme. Qui s’oppose à la formation d’un ministère, depuis quelques jours que les conférences ont commencé à ce sujet ? Les anciens titulaires ont-ils mis des entraves à l’entrée de leurs successeurs ? A-t-on jamais vu des ministres se retirer plus franchement des affaires, et s’effacer plus honorablement pour faire place aux ambitions de ceux qui se présentent pour leur succéder. D’où viennent donc les difficultés qui nous sont révélées par les feuilles de la coalition elle-même ? Si une grande et imposante majorité s’était levée, dans les élections, pour un parti, il l’eût facilement emporté sur les prétentions des autres partis coalisés. Mais les élections n’ont pas donné ce résultat, et il ne se trouvera, dans la chambre, de majorité que pour ceux qui adopteront les principes du 15 avril, tant combattus par la coalition. En un mot, cette majorité, il faut la faire, l’acquérir par des professions de foi en faveur de l’ordre, du maintien des institutions et de la paix extérieure ; et en attendant, les partis gardent leurs forces respectives. La cause qui a triomphé dans les élections est celle du système modéré et pacifique. Nulle