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roïsme de l’Allemagne du moyen-âge. Encore quelques momens, et pour les temps qui suivront, ces grandes luttes du XIIe et du XIIIe siècles ne seront plus que des souvenirs épiques bons à charmer les imaginations populaires.

Vingt ans après expirait un autre représentant du moyen-âge, bien différent de Frédéric, mais non moins glorieux, saint Louis. Ce roi exerçait sur l’Europe une autorité morale qui en faisait comme le grand justicier. Par son courage et par sa mort, il répandit en Orient le nom français : si les musulmans avaient vu dans Richard d’Angleterre le type du guerrier chrétien, ils révéraient dans Louis de France le modèle du juste inspiré par l’Évangile. Avec lui s’éteignit la foi du moyen-âge dans toute sa grandeur et sa pureté ; depuis lui, l’Europe n’eut plus de ces grands mouvemens qui la poussaient à la conquête ou à la défense de Jérusalem. En vain Grégoire X, dans un concile, prêche une nouvelle croisade ; personne ne bouge. Les chrétiens de Syrie semblent s’abandonner eux-mêmes, car ils s’engagent envers les infidèles à les avertir dans le cas où le pape et le roi de France voudraient tenter une croisade. Ptolémaïs était de plus en plus resserrée par le sultan du Caire. Cette ville avait dans ses murs comme une élite de représentans de la chrétienté et de l’Europe, qui semblaient vouloir oublier, au milieu des plaisirs, les dangers qui les menaçaient. La prise de Ptolémaïs par le sultan du Caire, à la fin du XIIIe siècle, ressemble bien peu à la gloire des chrétiens vers la fin des deux siècles précédens, et jusqu’ici rien n’a démenti cette parole d’un chroniqueur musulman, qui, après avoir dépeint l’entrée du sultan dans Ptolémaïs et la restauration du culte de Mahomet, ajoutait : Les choses, s’il plaît à Dieu, resteront ainsi jusqu’au dernier jugement.

L’Europe gravitait lentement à de nouvelles destinées ; toute l’économie du moyen-âge se décomposait d’une manière insensible, mais réelle. Après la mort de Frédéric II, l’empire fut la proie d’une anarchie qui dura vingt-deux ans, jusqu’à l’avènement de Rodolphe de Hapsbourg, avec lequel commence pour l’Allemagne une époque de travail intérieur, et, pour ainsi parler, de vie domestique. En Italie, les dénominations de Guelfes et de Gibelins perdaient peu à peu leur premier sens, et de nouveaux intérêts se formaient. Les différentes républiques de la Péninsule acquéraient de l’éclat et de l’autorité, Florence augmentait son territoire, sa population, ses finances, appuyant son organisation démocratique sur le commerce et l’industrie. Les Génois sont tout-puissans au moment où les Grecs rentrent dans