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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

traordinaire et saisit merveilleusement l’esprit : c’est une vivacité, un bon sens, une logique, une verve sans pareils, et il est impossible de ne pas dire : Il a raison. Broussais tenait beaucoup à ce qu’il appelait la découverte de l’ontologie médicale, et la considérait comme un de ses principaux titres de gloire ; voici ses paroles à ce sujet : « La découverte de cette ontologie médicale, qui s’opposait, depuis le commencement des siècles, à ce que la médecine figurât au rang des sciences, est ma propriété ; je n’en ai trouvé le germe dans aucun ouvrage. »

Malheureusement (car, après avoir eu raison, il faut toujours qu’il ait tort), Broussais abusa de sa propriété. Bientôt il ne vit plus qu’ontologie partout ; il ne fut pas possible d’exprimer une seule pensée, de dire un seul mot, sans être ontologiste. Lui vitaliste, lui philosophe, il ne voulut plus qu’on parlât de force vitale, ni de nature, ni de principe quelconque. Lui qui avait admis par le raisonnement l’existence de quelque chose d’immatériel et d’invisible qui faisait agir les organes, qui les formait et les développait, il en vint à demander en ricanant ce que c’était que cet être appelé nature, appelé force vitale, appelé nature médicatrice. Il s’était enivré d’anti-ontologie ; il ne comprenait plus qu’on pût, sans se livrer à des hypothèses chimériques, donner une expression générale et abstraite d’un fait général comme celui de l’unité vitale et de ses modifications diverses ; il crut, quand on parlait d’un fait, qu’on assignait une cause substantielle à ce fait. Ce fut là une grande erreur ; ce fut celle qui présida à toute sa critique des anciens ; il confondit dans un anathème commun les plus purs comme les plus impurs, les systématiques les plus extravagans comme les observateurs les plus sages ; il les poursuivit tous avec une égale colère, Hippocrate, Galien, Arétée, comme Thémison ; Stahl, Sydenham, Baglivi, Boerhaave, comme Paracelse.

Rappelons en peu de mots la médecine de ces hommes qu’on appelle de nos jours les anciens (sans doute parce que leur manière d’observer se rapporte à la méthode antique), et nous verrons si Broussais est en droit de leur jeter au visage, comme il le fait, ces épithètes : Folie, fatalisme, ontologisme !

Une idée fort vieille dans la science médicale, et qui s’est toujours, partout et de tout temps conservée parmi les médecins observateurs, est celle de l’unité vitale. Cette idée consiste en ce que, dans l’état de santé comme dans l’état de maladie, toutes les parties du système agissent de concert ; qu’elles concourent, qu’elles consentent, qu’elles conspirent au même but, suivant l’expression d’Hippocrate.