Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
REVUE DES DEUX MONDES.

l’Institut qui la représente, se tiennent sur la défensive, loin de provoquer leurs adversaires par des hostilités gratuites. Une grande partie de la presse soutient l’école romantique, et aujourd’hui qui oserait de gaieté de cœur s’attirer les foudres de la presse ?

Je pense toutefois que le retour périodique des mêmes plaintes dénote un vice dans l’état de choses actuel, qui doit attirer l’attention sérieuse de l’administration. Mais quel remède adopter ? Quel système substituer au jury ? Il y a tant de peintres en France aujourd’hui, que si l’on ne fait un choix parmi les ouvrages qu’ils présentent au public, la vaste galerie du Musée se trouvera insuffisante. Le Champ-de-Mars seul pourrait les contenir.

Si je ne me trompe fort, je me trouverai d’accord avec la majorité des artistes, en pensant qu’un choix doit être fait, et qu’il est bon de limiter la place aussi bien que le temps de l’exposition. À Londres, où l’exposition a lieu par les soins de l’Académie royale, et dans les bâtimens qui lui appartiennent, il est de règle qu’aucun artiste ne peut exposer plus de trois tableaux. À mon sentiment, cette mesure pourrait être utilement introduite à Paris. Quel est l’artiste, en effet, qui ne puisse, en trois tableaux, offrir un résumé bien complet de son talent, voire même de ses manières, s’il en a plus d’une.

Il est incontestable et malheureusement les preuves ne seraient pas difficiles à alléguer, que des hommes d’un mérite éminent peuvent se tromper grossièrement et produire des ouvrages indignes d’eux, indignes même du public. Mais, pour cela, je ne pense pas que le jury doive leur faire un affront. Leur passé excuse leur présent. D’ailleurs il y a un enseignement à tirer des fautes mêmes du talent, et c’est au public seul qu’en appartient la critique. — Je voudrais donc que les portes du Musée fussent ouvertes à tout artiste qui, dans une exposition précédente aurait mérité une récompense, à tout artiste qui aurait reçu une commande de l’administration chargée d’encourager les arts. De la disposition que je propose on pourrait espérer encore cet avantage : que les médailles et les commandes seraient à l’avenir distribuées avec ménagement et d’après un mûr examen. Ce point est d’autant plus essentiel que l’on ne pense pas assez au mal que peuvent produire ces encouragemens, lorsque accordés avec trop de facilité, ils lancent dans la carrière des arts un jeune homme qui n’y doit trouver dans la suite que déceptions et regrets.

Il est une troisième réforme qui me reste à proposer, et j’y tiens particulièrement. Ce triage préparatoire des objets d’arts, cette censure préalable me semble une besogne ingrate et, disons le mot, in-