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emprunts forcés. Notre représentant exigeait de plus la destitution des officiers et des magistrats coupables d’abus de pouvoir contre les citoyens français. Une escadre, sous les ordres du commandant Bazoche, se rendit au Mexique, pour appuyer les réclamations de M. Deffaudis, qui ne tarda pas, après l’expiration du délai qu’il avait fixé, à quitter Mexico et à se rendre à bord d’un des vaisseaux formant le blocus du port de la Véra-Cruz. Nous ne nions pas que la célérité et l’exactitude parfaite du blocus ne fussent nécessaires pour le succès de cette expédition, surtout depuis la résolution de se retirer de Mexico, prise par M. Deffaudis, et les dépêches du gouvernement, ainsi que les lettres du ministre de la marine, paraissent ne laisser aucun doute là-dessus. M. Deffaudis lui-même l’entendait ainsi, car il hâtait de tous ses vœux, dans ses dépêches, l’arrivée de la frégate l’Iphigénie, commandée par le capitaine Perseval, qui devait compléter le blocus. Malheureusement, les ordres du gouvernement ne reçurent pas l’exécution rapide qu’on pouvait attendre, et ce bâtiment arriva dans une saison défavorable, quand il devenait difficile de tenir la mer dans le golfe du Mexique. Un conseil de guerre, tenu à bord de l’escadre, et où assistait M. Deffaudis, décida qu’on n’était pas en mesure d’attaquer le fort de Saint-Jean d’Ulloa, et le gouvernement dut songer à prendre d’autres mesures.

En se déterminant à bloquer le seul port considérable du Mexique, et les sept ports abordables de ce littoral, le gouvernement n’ignorait pas à quelles plaintes il allait s’exposer de la part des États-Unis et de l’Angleterre. De nombreuses et fréquentes représentations avaient été faites pendant le blocus, particulièrement par le cabinet de Londres, et lord Palmerston écrivit même à son ambassadeur, à Paris, qu’il ne pouvait résister plus long-temps aux instances du commerce anglais, en souffrance du côté du Mexique. Malgré la gravité de ces communications, qui ne laissaient pas de doute sur les intentions du gouvernement anglais, le ministère du 15 avril fit procéder avec une admirable rapidité à l’armement d’une seconde expédition, qui devait avoir des résultats très décisifs. Le commandement en fut remis à M. Baudin, un de ces hommes résolus et capables qui doivent, ainsi que le maréchal Vallée, la haute récompense de leur mérite au cabinet dont nous parlons. M. Baudin emporta avec lui des instructions verbales et écrites qui lui tracèrent sa ligne de conduite. On l’instruisit des dispositions du cabinet anglais, et il fut mis ainsi en mesure de soutenir, dans toutes les éventualités, l’honneur du nom français. Un des membres de la commission a bien jugé les instructions de M. Molé, en disant à la chambre qu’il les avait trouvées pleines de dignité et de fermeté à la fois. L’honorable député a toutefois ajouté que le langage a changé depuis, et il se fonde sur ce qui est arrivé au Mexique, où le fort de Saint-Jean-d’Ulloa a été évacué avant le paiement total de l’indemnité réclamée par l’amiral Baudin. Mais l’honorable M. Taillandier ne peut savoir si le langage a changé, car il assure lui-même qu’il existe une lacune dans les communications faites par le ministère à la commission, et qu’elle n’a eu sous les yeux aucune pièce de la correspondance entre M. Molé et l’amiral Baudin, du 10 novembre 1838