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Geoffroy de Mounmouth, dans laquelle sont racontés de fabuleux exploits d’Arthur, ne peut pas être envisagée non plus comme la source des poèmes chevaleresques sur ce personnage et sur les héros de son cycle, car elle ne contient que quelques germes des évènemens qu’ont développés, multipliés, variés à l’infini ces poèmes.

Les fabliaux n’ont pas un original latin ; ils sont, en général, rédigés d’après la transmission orale, et appartiennent à cette masse de contes, d’histoires qui circulent d’un bout du monde à l’autre ; c’est dans cette circulation que les a trouvés la poésie française du moyen-âge, c’est là qu’elle les a recueillis pour leur donner son empreinte. Il n’en est pas même de l’apologue ; bien qu’il soit aussi de nature cosmopolite, et qu’il voyage, ainsi que le conte, de pays en pays, de siècle en siècle, l’apologue n’est arrivé au moyen-âge que par l’intermédiaire des fabulistes latins. Il faut faire une exception pour l’apologue par excellence, le Roman de Renart. Celui-ci est sorti d’une donnée populaire, et bien qu’il ait été mis en latin de très bonne heure, et que le monument peut-être le plus ancien qu’on en possède, soit latin, il n’en est pas moins certain que ce monument lui-même suppose des originaux antérieurs en langue vulgaire. La poésie satirique ne procède pas non plus du latin, les Bibles sont nées à l’aspect des désordres du temps ; elles sont nées ou de l’indignation sévère, ou de la joyeuse humeur que ces désordres ont fait naître dans les ames des auteurs ; elles ne sont pas le résultat d’une savante imitation de Perse ou de Juvénal.

Pour la poésie dramatique en langue vulgaire, sa partie religieuse, le mystère et le miracle, se rattachait aux mystères latins antérieurs, qui eux-mêmes étaient une partie du culte, et tenaient à cet ensemble de représentations théâtrales que l’église avait empruntées originairement au paganisme. Le drame bouffon, la farce, appartiennent plus en propre au moyen-âge, mais encore ici il y a un certain rapport de filiation entre les acteurs des tréteaux du moyen-âge et les derniers histrions de l’antiquité.

Tels sont les divers points par où la littérature nouvelle tient à la littérature latine antérieure, et par où elle s’en détache. On voit que les genres littéraires qui existent au moyen-âge, à la fois en latin et en français, et qui n’existent alors en français que parce qu’ils ont existé auparavant en latin, sont ceux qui contiennent une espèce d’enseignement : ainsi tout ce qui tient à la théologie, jusqu’aux légendes et aux mystères, qui en sont comme la partie épique et dramatique, tout ce qui tient aux moralités, jusqu’à l’apologue ; — tandis que ce