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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/259

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RECHERCHES HISTORIQUES.

L’imposition personnelle ou capitation, établie sur les colons, était acquittée par leurs maîtres, qui se la faisaient ensuite rembourser. Ces remboursemens devenaient souvent le sujet de coupables extorsions, et donnaient lieu à d’autant plus de difficultés, que l’impôt variait d’une indiction à l’autre, en augmentant toujours. Un tel mode de perception avait ainsi l’inconvénient de mettre en quelque sorte le colon à la discrétion du propriétaire.

Outre l’impôt payé à l’état, les colons acquittaient ordinairement en fruits, quelquefois en argent, une redevance annuelle fixe, canon, qui ne profitait qu’à leurs maîtres, et qui ne pouvait être augmentée.

Il y avait pour le colon plusieurs moyens de sortir du colonat. D’abord, comme on l’a déjà fait remarquer, le colon qui s’était enfui et qui avait vécu en homme libre pendant un espace de temps fixé par la loi, acquérait définitivement la liberté. Ce fut seulement après que l’empereur Justinien eut abrogé cette disposition, que la liberté du colon cessa de se prescrire. Un autre moyen pour lui de se dégager des liens de sa condition, c’était d’acquérir la propriété du fonds colonaire. Du moment, en effet, que le maître lui cédait ce fonds par donation, par vente, ou autrement, le colon, devenu aussitôt propriétaire, jouissait de tous les droits de l’homme libre. Enfin, je pencherais à croire, contre l’opinion commune des jurisconsultes et des historiens, que le maître avait la faculté de détacher le colon de la glèbe pour le gratifier de la liberté. Les deux principales objections que l’on fait à cela sont : la première, que, dans les codes, les lois sur l’affranchissement ne disent rien des colons ; la seconde, qu’une loi de Justinien semble exclure la possibilité de rompre le lien qui les attachait au sol[1]. Mais on peut répondre à la première qu’il n’était pas nécessaire, pour dégager du colonat, de recourir à la manumission proprement dite, attendu que le colon n’était l’esclave de personne ; et l’on peut supposer qu’on employait, pour le délivrer de la glèbe, une forme moins solennelle, qui ne se retrouve pas dans les livres du droit romain. Quant à la seconde objection, ne sait-on pas que trente ans d’absence pour le colon, et vingt ans seulement pour la colone, les mettaient hors du domaine de leur maître, quoique le fonds colonaire continuât d’y rester incorporé ? N’avons-nous pas vu

  1. Quæ enim diffrentia inter servos et adscripticios intelligatur ; cum uterque in domini sui positus sit potestate, et possit servum cum peculio manumittere, et adscripticium cum terra dominio sue expellere ? (Cod., XI, 47, 21.)