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on s’étonnerait des conquêtes déjà faites, si on énumérait tous les petits avantages obtenus partiellement. Mais le temps, malgré sa toute-puissance, n’amène les améliorations que bien lentement au gré de ceux qui souffrent ; il y a encore beaucoup à faire, et malheureusement les difficultés sont si grandes, que ceux qui ne les ont pas gravement mesurées ne peuvent même s’en faire une idée. Nous allons voir du moins que les secours ne manquent pas aux maux qu’on ne sait pas encore prévenir.

V. — œuvre de la bienfaisance.

L’œuvre qu’il nous reste à dévoiler a pour auteurs des gens sans nom pour la plupart, humblement cachés dans les rangs les plus divers, inconnus les uns des autres, et travaillant toutefois avec un merveilleux accord : cette œuvre est celle de la charité publique ; c’est le touchant tableau du bien qui se fait dans la société, et des efforts qu’on y tente sans relâche pour adoucir les inévitables misères.

La charité suit le pauvre durant toute son existence, elle se préoccupe de lui avant même que ses yeux aient vu le jour. Approchez, pauvres mères, et calmez-vous ! Que les angoisses de l’inquiétude, que les privations et les fatigues ne compriment pas dans votre sein le triste fruit que vous portez. Approchez, et si vous avez perdu le mari qui devait être votre soutien, si une famille, trop nombreuse déjà, est une charge au-dessus de vos forces, une main secourable vous sera tendue. Vers la fin du dernier siècle, s’est formée à Paris, sous le patronage de la reine Marie-Antoinette, une Société de charité maternelle, heureuse idée qui a dû naître dans le cœur d’une femme, et que des femmes ont depuis réalisée dans trente-six de nos villes les plus importantes. La pauvre mère qui se présente dans le dernier mois de sa grossesse, après avoir justifié de son mariage, de sa bonne conduite et pris l’engagement d’allaiter son enfant, reçoit une subvention pour les frais de couches, une layette pour l’enfant, une petite indemnité qui lui est conservée pendant quatorze mois, et des secours spéciaux dans les cas imprévus. La mère vient-elle à mourir pendant l’allaitement, la société conserve ses soins à l’enfant jusqu’à ce qu’il puisse être transmis en d’autres mains bienfaisantes. En 1837, la société de Paris a étendu sa protection sur 787 mères et sur 718 enfans qu’elles ont mis au jour. Celle de Lyon, pendant la même année, a secouru 285 mères et même nombre environ d’enfans. En calculant d’après ces données la part des trente-quatre autres villes, on peut admettre que pour toute la France l’association favorise annuellement plus de deux mille naissances. Ses ressources sont cependant très bornées : l’état ne contribue que pour 100,000 fr. ; c’est à peine le tiers de la dépense totale ; mais c’est peu pour la charité de combler le déficit. Une association pieusement rivale s’est formée à Paris en 1836, sous le nom d’Association des mères de famille. Les dames qui la composent distribuent des layettes ou des objets de vêture qui sont presque toujours l’ouvrage de leurs mains. Dans les deux premières années de son existence, cette société est venue en aide à 486 ménages. Le choix et la surveillance des nour-