Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/776

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
756
REVUE DES DEUX MONDES.

forcerait de conclure la paix avec Napoléon dans le congrès de Châtillon. On sait aussi que le traité de Chaumont, signé le 2 mars entre l’Autriche, l’Angleterre, la Prusse et la Russie, n’admettait la possibilité d’un changement de gouvernement en France que par ses articles secrets, et que Napoléon avait jusqu’au 10 mars pour se déclarer explicitement sur le projet des préliminaires de paix, présenté au duc de Vicence par les plénipotentiaires des souverains alliés. Cependant, dès son arrivée au quartier-général anglais, le duc d’Angoulême adressa aux soldats du corps d’armée du maréchal Soult une proclamation qu’il apportait avec lui. Lord Wellington l’ignora quelque temps, et ses rapports avec le duc d’Angoulême, connu sous le nom de comte de Pradel qu’il avait gardé à la demande instante de lord Wellington[1], se bornaient à des billets que lui écrivait celui-ci pour faire connaître au prince la situation de l’armée, ou lui donner quelques conseils. En voici quelques-uns :

« Monseigneur, j’ai l’honneur de faire savoir à votre altesse royale que je suis obligé d’aller à la droite de l’armée, ce matin, d’où j’aurai l’honneur de vous écrire. » — « Monseigneur, j’ai eu l’honneur de recevoir la lettre que votre altesse royale m’a adressée par M. de La Rochejacquelein, et il aura l’honneur de faire savoir à votre altesse royale que nous passâmes hier le gave d’Oleron. Je souhaite que ce que me dit M. de La Rochejacquelein sur les négociations de la paix arrive ; mais j’ai lieu de croire qu’on négocie toujours. En tout cas, c’est à votre altesse royale à décider sur sa conduite, et pas à moi à en raisonner. Je suis toujours convaincu cependant qu’il est dans les intérêts de la famille de votre altesse royale de ne pas devancer l’opinion publique ni la presser. À Arriverète, 25 février. » — « Monseigneur, j’ai l’honneur de faire savoir à votre altesse royale que nous avons battu l’ennemi hier près d’Orthez, et qu’il est en pleine retraite sur Bordeaux. Orthez, 28 février. »

Bientôt les démonstrations du duc d’Angoulême et du petit nombre de personnes qu’il avait autour de lui, viennent altérer ces rapports, et les lettres de lord Wellington prennent un autre caractère. Lord Wellington lui reproche ces tentatives, et ne cesse de lui mander qu’il est imprudent de devancer la rupture des conférences de Châtillon, où les souverains alliés peuvent encore traiter avec Napoléon. Ce n’était pas le compte du duc d’Angoulême, qui pouvait

  1. The duc d’Angoulême arrived here yesterday morning, and I have prevailed upon him to remain with his feigned title of comte de Pradel. — Lettre au colonel Bunbury, du 4 février 1814.